Louise Farrenc : une compositrice injustement méconnue
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, mercredi 28 septembre 2022
Insula orchestra. Laurence Equilbey, direction. Lucas Debargue, piano
Louise Farrenc, Ouverture n°1 en mi bémol majeur. Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur. Louise Farrenc, Symphonie n°2 en ré majeur
Pour cette rentrée symphonique au Grand Théâtre de Provence, une compositrice et un compositeur sont au programme de la soirée.
C’est Louise Farrenc (1804-1827) qui ouvre les débats, avec la première des deux ouvertures qu’elle a composées. L’oreille n’est pas dépaysée par les sonorités qui évoquent Mozart ou Beethoven, avec Luigi Cherubini même, tant un passage aux violons nous rappelle irrésistiblement l’ouverture de sa Médée. Jouant sur instruments d’époque et fondé en 2012 par Laurence Equilbey, l’ensemble Insula orchestra montre une belle homogénéité de son et un haut niveau technique.
On passe ensuite à Beethoven et son Concerto pour piano n°2, avec l’entrée en scène de Lucas Debargue, aujourd’hui parmi les tout meilleurs solistes. L’instrument de couleur bois produit un son bien plus rond et moins agressif que les pianos modernes de type Steinway laqué de noir, au caractère nettement plus métallique. L’équilibre entre orchestre et soliste s’établit ainsi encore plus paisiblement, le jeu délicat et sensible de Debargue répondant aux tempi plutôt lents pris par Laurence Equilbey dans l’allegro con brio. A noter aussi la longue cadence passionnante et très inspirée du soliste à la fin de ce premier mouvement.
L’adagio qui suit développe encore davantage de lenteur et de douceur, avant le rondo plus véloce, aux arpèges superbement détachés du piano, celui-ci dialoguant très naturellement avec l’orchestre.
En bis, Lucas Debargue nous accorde une composition personnelle, soit une mazurka « écrite également en si bémol, aux rythmes pointés ». Le pianiste explore ainsi toute la largeur du clavier et propose une large palette de nuances, pour une page facile d’écoute, agrémentée de petites touches de modernité.
Retour à Louise Farrenc après l’entracte, avec sa Symphonie n°2, parmi les trois qu’elle a écrites. Dès les premières mesures, on se rend à l’évidence : la compositrice se place parfaitement dans l’ADN de l’orchestre et de sa cheffe. Les cordes montrent une cohésion irréprochable, l’orchestration est riche sans lourdeur, et seuls quelques brefs instants dans les soli de basson ou de hautbois, ou encore plusieurs notes émises par des cors un peu capricieux, sonnent avec moins de séduction.
Le deuxième mouvement en andante alterne entre une sereine fluidité et des séquences plus majestueuses, où certaines attaques sont plus mordantes. Le troisième en scherzo – vivace peut évoquer à plusieurs endroits la 9ème de Beethoven, dans ses mélodies et dans la variété de l’orchestration. Le quatrième et dernier mouvement andante – allegro, qui enchaîne sans temps mort, varie encore les ambiances, les musiciens maîtrisant avec précision rythmique les multiples départs en canon, pour conclure en un finale de grande allure.
A l’issue de ce programme, Laurence Equilbey prend le micro pour remercier le public aixois et évoquer en quelques mots Louise Farrenc, compositrice d’ailleurs originaire de Marseille – et que l’Orchestre National Avignon-Provence a pour sa part inscrite depuis plusieurs années dans sa programmation -. Née dans une famille d’artistes et épouse d’un flûtiste, sa valeur de compositrice ne fut pas toujours reconnue au juste niveau ; cette Symphonie n°2 ne fut par exemple jouée qu’une seule fois de son vivant. C’est aussi ce soir sa première interprétation par Insula orchestra, qui a par ailleurs déjà enregistré les deux autres.
L’extrait de l’Ouverture n°2, offert en bis, nous confirme à nouveau les talents de Louise Farrenc.
F.J. Photos I.F.
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