Mardi 28 novembre 2023, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
hr-Sinfonieorchester Frankfurt. Alain Altinoglu, direction ; Jan Lisiecki, piano
Edvard Grieg, Concerto pour piano en la mineur. Modest Moussorgski, Tableaux d’une exposition (orchestration de Maurice Ravel)
Le spectacle vivant a ses aléas : le concert du soir démarre avec une demi-heure de retard, en raison de l’arrivée tardive des musiciens. C’est en effet l’ensemble du hr-Sinfonieorchester Frankfurt (« hr » pour Hessischer Rundfunk, soit l’orchestre de la radio de Hesse) qui n’a pu décoller la veille de Francfort et est arrivé l’après-midi même à Lyon, puis a dû trouver une logistique de bus pour être acheminé in extremis à Aix-en-Provence. Enfin, et malgré l’annulation du morceau d’Antonin Dvořák initialement au programme (Dans la nature, Ouverture pour Orchestre), tout le monde est heureux de se retrouver au Grand Théâtre de Provence, artistes et spectateurs qui font salle pleine ce soir.
Pour interpréter le Concerto pour piano en la mineur d’Edvard Grieg, le Canadien Jan Lisiecki entre en scène et impose d’emblée une forte présence, en mettant du mordant pour attaquer les premières mesures très connues. Mais le soliste dispose également d’une large palette de nuances et sait aussi varier sur la douceur, le moelleux de ses interventions. Ceci tout en conservant en permanence une totale clarté d’exécution des arpèges, en distillant des notes superbement détachées, même au cours des moments les plus véloces. L’inspiration musicale du soliste impressionne, en particulier pendant la longue cadence du premier mouvement, entre murmures quasi silencieux et accords plaqués avec énergie. Directeur musical du hr-Sinfonieorchester Frankfurt depuis 2019, le chef français Alain Altinoglu crée une agréable symbiose entre soliste et orchestre, tout en laissant le plus souvent la vedette au pianiste. Le final du troisième et dernier mouvement (en allegro moderato molto e marcato) revêt tout de même un brillant certain, avec des cuivres en majesté.
Le bis accordé par le pianiste seul, sauf erreur un Nocturne de Chopin, est joué avec une profonde délicatesse, dans un silence absolu de la salle aux lumières tamisées pour l’occasion.
Après l’entracte, l’orchestre nous donne toute la mesure de ses qualités dans les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Composée à l’origine pour le piano seul, c’est dans l’orchestration de Ravel qu’on entend habituellement cet opus, un formidable et riche travail d’orchestration d’ailleurs … à tel point qu’on peut se demander si Moussorgski lui-même aurait fait mieux ! On ne peut s’empêcher de penser par séquences à l’œuvre lyrique la plus connue du compositeur russe, soit Boris Godounov, écrit à la même période. Après l’énoncé initial du thème à la trompette, thème récurrent qui sera repris par différents instruments au cours des dix parties de l’œuvre, le tapis de cordes se montre à la fois techniquement irréprochable et très séduisant à l’oreille. D’autres mélodies sont conduites par le saxophone, la flûte, la clarinette, …, le chef faisant par instants planer une réelle atmosphère de mystère. L’humour n’est pas non plus absent de la partition, avec ses passages aux bois qui virevoltent comme des feux follets, accompagnés par des pizzicati. Quelques tutti sont particulièrement épanouis au cours de cet opus qui sollicite grandement les cuivres, impeccables tout du long. La précision rythmique de l’ensemble est également sans reproche, malgré certaines chausse-trappes en termes de cassures de tempo.
A l’image de la première partie, on retourne à la douceur lors du bis, avec la « Sicilienne » de Pelléas et Mélisande de Gabriel Fauré, une merveille de morceau qui met à nouveau en lumière les qualités interprétatives du chef et de son orchestre.
F.J. Photos I.F.
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