Ombre et lumière
Collégiale Saint-Didier, Avignon.
Charles-Marie Widor, Symphonie n°1 pour orgue, en ut mineur, opus 1. Marche pontificale – extrait
Francis Poulenc, Gloria, pour soprano solo, chœur mixte et orgue
Giacomo Puccini, Suor Angelica – Air d’Angelica : « Senza mamma »
Giacomo Puccini, Messa di Gloria, pour ténor, baryton, chœur mixte et orgue
Direction musicale : Aurore Marchand
Ludivine Gombert, soprano ; Florian Laconi, ténor ; Yann Toussaint, baryton-basse. Luc Antonini, orgue
Chœur de l’Opéra Grand Avignon
Retransmission du jeu de l’organiste sur grand écran. Réalisation vidéo : Gonzague Zeno-Operastoria
En co-réalisation Opéra Grand Avignon et MSEA (Musique Sacrée en Avignon), dans le cadre des 24es Automnales de l’Orgue en Avignon et dans les Pays de Vaucluse
C’est une œuvre magnifique que ce Gloria, intense, vibrant, chatoyant, lumineux, pour le premier grand concert de musique sacrée de la saison avignonnaise 2016-2017. Et la soprano Ludivine Gombert a su en faire scintiller les multiples couleurs, de l’irisation la plus délicate jusqu’à l’éclat le plus triomphant. Elle était sans doute portée par la proximité géographique de Poulenc, qui a composé à quelques centaines de mètres seulement, chez Simone Girard fondatrice de la Société des Concerts avignonnais et arrière-grand-tante de l’actuel Quatuor Girard, une partie de son Dialogue des Carmélites. « Une très belle partition, très enjouée surtout dans les parties de chœur, solaire, parfois même espiègle, pas du tout solennelle comme le répertoire sacré habituel », précise l’interprète, dont on lira par ailleurs l’interview.
L’ombre, c’est celle du grand air de Suor Angelica, de Puccini. Poignante, cette jeune femme de famille aristocratique, à qui l’on vient d’annoncer sans ménagement la mort de son fils de 8 ans, l’enfant du péché qu’elle expie depuis lors dans un couvent. Cet enfant qui est à la fois sa faute et sa rédemption, elle souhaite le rejoindre au plus tôt. La frontière est légère entre douleur et pathos, et Ludivine Gombert, toute en retenue et en frémissante sensibilité, a su endosser et exprimer cette douleur terrible qui tord les entrailles, en dialogue avec le chœur mixte de l’Opéra Grand Avignon, où le pupitre des soprani s’est enrichi de Julie Mauchamp, ex-alto.
Place aux messieurs pour la seconde partie, avec la Messa di Gloria de Puccini. Yann Toussaint, un habitué du répertoire sacré – et de la région Paca -, assurait selon la coutume les deux parties, de basse et baryton. Avec, comme d’ordinaire, une parfaite ligne de chant, posée, solide, chaleureuse. Ce Puccini de 22 ans est loin d’avoir composé ce qu’on appelle une œuvre de jeunesse. « Si elle me rappelle fortement la musique de Verdi, analyse Yann Toussaint – dont on lira par ailleurs l’interview – elle témoigne aussi d’une grande maturité, et de procédés musicaux que Puccini réutilisera ensuite : chromatiques, grandes phrases ascendantes par exemple ». Pour sa part, le ténor Florian Laconi, que nous suivons avec grand intérêt depuis de longues années, a tiré vers le bel canto une partition qui ne demandait qu’à se laisser faire.
Et le concert s’est conclu en tonalité majeure, comme il s’était ouvert, avec un extrait de la Marche pontificale de Widor, récemment entendue sous les doigts experts du même Luc Antonini.
Même en ombre et lumière, ce premier concert était marqué au sceau de la cohérence et de l’homogénéité, avec le fil rouge de la projection simultanée sur grand écran du jeu de l’organiste. Cette collaboration, entamée depuis plus de deux ans, avec le réalisateur Gonzague Zeno-Operastoria, donne aux concerts d’orgue un relief nouveau, et permet aux auditeurs d’apprécier dans toute sa complexité le jeu de l’instrumentiste (G.ad., texte et photo 1).