Le lien entre générations
Festival de Pâques. www.festivalpaques.com Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence. Mardi 30 mars, 20h30
Renaud Capuçon, violon. Élise Bertrand, violon. Tanguy de Williencourt, piano. Jeanne Gérard, soprano
Élise Bertrand (née en 2000), Sonate pour violon et piano (création mondiale, commande du Festival de Pâques). Sergueï Rachmaninov (1873-1943), Mélodie n°7, opus 21 Mélodie n°4, opus 4. Gabriel Fauré (1845-1924), Mélodie n°1, Après Un Rêve, opus 7. Jules Massenet (1842-1912), Mélodie n°5, Elégie, opus 10. Richard Strauss (1864-1949). Mélodie n°4, Morgen !, opus 27. Amanda Röntgen-Maier (1853-1894), Sonate pour violon et piano en si mineur, IAM 4. Dmitri Chostakovitch (1906-1975), Cinq pièces pour deux violons et piano
Rendez-vous attendu du Festival de Pâques, GÉNÉRATION@AIX fait justement le lien entre les générations, en associant « de jeunes talents à un musicien confirmé ». On peut écrire que ce soir l’aîné est bien confirmé, puisqu’il s’agit de la star internationale du violon Renaud Capuçon, également directeur artistique du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence depuis sa création en 2013, ainsi qu’enseignant à la Haute Ecole de Musique (HEMU) de Lausanne. Les trois jeunes réunis sont aussi pétris de talent, et il y en a pour tous les goûts au cours de ce concert : musique instrumentale, vocale, compositeurs connus et même une création mondiale.
Le programme commence en effet avec la création mondiale, sur commande du Festival de Pâques, de la Sonate-Poème de la jeune Elise Bertrand (née en 2000). Cette pièce est écrite pour violon et piano, la violoniste ayant de surcroît la grande intelligence de ne pas créer sa propre composition… : qui de mieux pour cette première que le maître Renaud Capuçon ? Il en va certainement d’une question de goût musical, mais nous avons énormément apprécié cette œuvre : une écriture riche, exigeante en termes de virtuosité, variée dans ses nuances et rythmes, innovante mais en même temps d’écoute aisée et qui intéresse constamment l’oreille. On apprécie les lignes pures des mélodies au violon, le piano bien détaché de Tanguy de Williencourt, pris entre moments de grande agitation et séquences d’apaisement, un clavier au caractère bien affirmé à la conclusion, l’équilibre sonore entre les deux instruments étant idéalement maintenu.
On passe ensuite à une partie chantée, d’abord en russe pour les deux mélodies de Rachmaninov, accompagnées par violon et piano. La soprano Jeanne Gérard y déploie un timbre d’une séduction immédiate, elle détient également de belles réserves de puissance, comme le prouvent quelques aigus projetés dans la lignée de ceux d’une Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski.
La section française propose parmi les deux plus belles mélodies du répertoire, « Après un rêve » de Fauré et « Elégie » de Massenet. Dans chacune, le merveilleux violon aux aigus purs et graves profonds de Renaud Capuçon dessine d’abord la mélodie qui plane. La soprano tient une remarquable musicalité, la voix est expressive et dégage douceur chez Fauré et immense tristesse pour Massenet. Le texte n’est toutefois pas facilement perceptible, sans doute est-ce dû à l’acoustique de la salle mais l’élocution peut éventuellement progresser en clarté.
Le Lied « Morgen ! » de Richard Strauss qui suit est un moment de bonheur rare dans sa sublime introduction au violon, puis la voix fait preuve d’une admirable délicatesse, mais la qualité de l’allemand nous semble perfectible.
Puis on retourne à un chapitre instrumental, avec la rare compositrice Amanda Röntgen-Maier (1853-1894). Ça y est, les jeunes ont cette fois pris le pouvoir dans la sonate pour violon et piano en si mineur qui réunit Elise Bertrand et Tanguy de Williencourt. Le violon possède une remarquable musicalité, une sûreté d’interprétation, du caractère aussi. Les deux instrumentistes sont visiblement à l’écoute l’un de l’autre, se répondent, partent en décalé à certains moments, en produisant une jolie musique agréable à l’oreille.
Les cinq pièces pour deux violons et piano de Chostakovitch donnent enfin l’occasion aux trois musiciens de se réunir, pour évoluer, de numéro en numéro, entre des ambiances gentillette, sautillante, charmante, très russe et un peu tzigane pour la pièce n°4, et très dansante enfin.
I.F.
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