Le pianiste aux défis titanesques
En 1995 François-Frédéric Guy donnait son premier récital à la Roque-d’Anthéron.
Mardi 2 août 2016 il jouera sur cette même scène à 21h quatre des plus célèbres Sonates de Beethoven : « le Clair de lune », « la Pastorale », « La Tempête » et « l’Apassionata ».
Entre ces deux dates, s’est déroulée une carrière riche et variée. Depuis ses débuts avec l’Orchestre de Paris dirigé par Wolfgang Sawallisch suivi d’un enregistrement en public du 2e Concerto de Brahms avec Paavo Berglund et le London Philharmonic, François-Frédéric Guy s’est imposé comme l’un des pianistes les plus fascinants de sa génération. Il a travaillé aux côtés de chefs de renommée internationale tels que Philippe Jordan, Daniel Harding… et a participé à de nombreux festivals internationaux, dont de nombreux festivals de création contemporaine (Musica à Strasbourg, le festival d’Automne à Paris…). Sa discographie est variée, allant de Brahms, Liszt, Prokofiev, Debussy, Stravinsky, Bartok, à Marc Monnet, mais Beethoven reste son compositeur de prédilection. Nous l’avons interrogé sur ses projets.
-Après votre « Beethoven Project » entamé en 2007, qui a vu l’enregistrement de l’intégrale des concertos pour piano avec Philippe Jordan, des 32 sonates et toute la musique de chambre pour violon, violoncelle et piano avec Tedi Papavrami et Xavier Philips, vous vous êtes attaqué à Brahms, à l’intégrale de ses sonates. Pourquoi Brahms et voyez-vous une similitude entre eux?
-Brahms, c’est un retour aux sources puisque, au début de ma carrière, j’ai enregistré plusieurs disques de ce compositeur, notamment le 2e Concerto pour piano avec le London Philharmonique Orchestra dirigé par Paavo Berglund (2004) et de la musique de chambre notamment les Sonates pour violoncelle avec Anne Gastinel. C’est surtout la continuation finalement d’un voyage, d’un livre de chevet que je garde auprès de mon piano. Je me suis consacré beaucoup à Beethoven et je continue car ce nouveau projet Brahms ne signifie pas que le projet Beethoven s’est arrêté, simplement il est toujours en devenir. Maintenant je commence un nouveau « Brahms Project », un dictionnaire amoureux de Brahms dont le premier opus est constitué des Trois Sonates pour piano que je viens d’enregistrer chez Evidence Classics. C’est là le premier volet d’un grand projet, aussi bien en disque qu’en concert. C’est un peu ce que j’avais fait pour le « Beethoven Project ». Tout ceci est concomitant car Brahms est l’héritier de Beethoven : au tout début de sa carrière, il n’arrivait pas à écrire de Symphonies, de Quatuors à cordes à cause de l’ombre de Beethoven. Il a écrit sa 1e symphonie à l’âge de 50 ans. Pour les Sonates, c’est un peu différent ; il a composé 3 Sonates de jeunesse qui sont des œuvres démesurées, extraordinaires ; ces pièces sont inouïes au sens propre du terme, elles sont d’un pianisme étonnant et ont une filiation beethovénienne, notamment la 1e en Do Majeur qui reprend les thèmes de la célèbre Hammerklavier de Beethoven. Au bout de ces 3 sonates magistrales, très symphoniques, novatrices et longues (30 à 40 minutes), Brahms change complètement de volet et ne reviendra plus à la sonate de toute sa carrière. Brahms c’est une autre génération, il incarne la musique romantique. Schumann disait de lui qu’il était le nouveau prophète de la musique allemande quand il l’a entendu pour la première fois jouer ses premières sonates de jeunesse. Il disait aussi « mais c’est tout un orchestre qui est dans ce piano-là ! » C’est cet aspect là qui m’intéresse : le piano qui sonne de manière tout à fait nouvelle, orchestrale, riche, rythmique, novatrice, enflammée, tout ce qui fait les fondements du romantisme et en même temps cette structure classique avec laquelle Beethoven a composé.
-Vous avez dirigé du piano les Concertos pour piano de Beethoven à Avignon en 2014 pour deux soirées exceptionnelles ; la direction est-elle une suite logique dans votre évolution artistique ?
-Pour la première fois en septembre je vais diriger deux Symphonies, la 4e et la 5e ; ce sera en fait mes débuts officiels de chef d’orchestre avec l’orchestre de chambre de Paris, Orchestre avec lequel j’ai dirigé du piano les 5 concertos en 2016 ; ce sera la suite d’une nouvelle collaboration, avec cette nouvelle étape du « Beethoven Project » qui est un projet au long cours, jamais terminé !
-Quels sont vos projets discographiques ?
-Les sonates pour violon de Beethoven avec Tedi Papavrami dans le cadre du « Beethoven Project » et ensuite un CD avec des œuvres de Brahms pour piano seul et d’autres surprises.
-Pour votre premier contact avec Wagner, vous avez déchiffré le Crépuscule des Dieux avec Christian Ivaldi (alors que vous étiez étudiant au conservatoire) ; or vous jouez toujours la musique de ce compositeur, par exemple à Orange dans le cadre des Chorégies. Jouer des transcriptions pour piano, n’est-ce pas quelque part trahir l’œuvre ?
-C’est vrai que j’adore la musique de Wagner. En interprétant une réduction pour piano, il ne s’agit pas de trahir l’œuvre, mais plutôt de donner envie au public d’écouter les partitions originales en lui offrant un éclairage nouveau. Du reste, Liszt a été le premier à transcrire Lohengrin dans un but pédagogique au départ.
Propos recueillis le 1er août 2016 par D.B. Photo Carole Doutre
A noter que les 3 et 5 février 2017, François-Frédéric Guy (à la direction et au piano) donnera deux concerts à l’Opéra Grand Avignon :
Programme du 3 février
Mozart, Rondo pour piano et orchestre en ré majeur KV. 382. Concerto n°21, pour piano et orchestre en do majeur, K467. Beethoven, Symphonie n°4, en si bémol majeur, opus 60
Programme du 5 février
Mozart, Rondo pour piano et orchestre en ré majeur, KV. 382. Concerto n°20, pour piano et orchestre, en ré mineur, K466. Beethoven, Symphonie n°5 en ut mineur, opus 67, dite « Symphonie du Destin »
Co-réalisation Orchestre Régional Avignon-Provence Opéra Grand Avignon