Un final en apothéose
Dimanche 17 août 2025, 20 h, Auditorium du Parc du Château de Florans, Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron
François-Frédéric Guy, piano. Adam Laloum, piano. Quatuor Hanson
J.Brahms, Quintette pour piano et cordes op.34. R. Schumann, Quintette pour piano et cordes op.44. J. Brahms, Danses hongroises n° 1, 4, 5, 7, 8, 17, 6, pour piano à quatre mains
On ne pouvait imaginer plus beau final, pour ce 45ème Festival de La Roque d’Anthéron, que celui qui nous fut offert ce dimanche 17 août, par François-Frédéric Guy (photo M.A.), Adam Laloum et les musiciens du Quatuor Hanson, Anton Hanson et Jules Dusap au violon, Gabrielle Lafait à l’alto et Simon Dechambre au violoncelle. Ce sont deux chefs-d’œuvre de leurs auteurs, les quintettes pour piano et cordes de Brahms et Schumann, qu’ils nous proposaient.
Le premier à ouvrir le concert était celui de Brahms, avec François-Frédéric Guy au piano. Brahms connaissait parfaitement le quintette de Schumann, écrit en 1842, pour l’avoir particulièrement étudié et même transcrit pour deux pianos en 1854. Intéressé par cette formation, il eut cependant des difficultés à élaborer le sien, de 1862 à 1864, hésitant sur la forme à lui donner, avant d’arriver à cette version définitive piano / quatuor à cordes. Œuvre de vaste dimension (autour de 40 mn), en quatre mouvements, les musiciens en ont fourni une interprétation enthousiasmante, poussant le public à applaudir entre chaque mouvement. Un pianiste présent, maîtrisant son sujet, des cordes complémentaires et complices, tous dialoguant ou communiant avec aisance, tout cela ne pouvait qu’emporter l’adhésion. Le premier mouvement, aux atmosphères variées, vigoureuses ou plus réfléchies, était engagé et vivant, les tutti parfaits. L’andante était joliment déroulé, pensif, parfois berceur. Le scherzo démarrait éclatant et décidé, offrait un beau mariage piano et cordes, laissant la place à un trio plus posé et lyrique. Le finale enfin, au démarrage lent et mystérieux, se lançait ensuite dans une variété d’atmosphères alternant la retenue, des passages sautillants ou délicats, des tutti engagés, avant un final triomphant.
Le public laissa, bien évidemment, éclater un enthousiasme débridé.
Le quintette de Schumann suivait l’entracte, avec cette fois, Adam Laloum (Harald Hoffmann Sony) au piano. Plus concentré que le précédent (durée d’environ 28 mn), d’une fougue romantique plus intense, il fut, à mon sens, encore plus prenant que le précédent, touchant un auditoire toujours pleinement conquis. Le jeu de Laloum, tout en aisance, s’intégra lui aussi parfaitement au quatuor. Sans surprise ! Partenaires habituels pour ce quintette, ils sont parfaitement rodés. Les quatre mouvements furent, là encore, des réussites, en particulier le second avec sa marche funèbre, son épisode central passionné et sa réflexion douloureuse, un scherzo magnifique et un finale joyeux, aux rythmes bien appuyés, se développant lui aussi vers un final triomphant.
L’enthousiasme du public touchait là au délire.
François-Frédéric Guy et Adam Laloum s’emparaient enfin de la scène pour offrir une sélection de sept danses hongroises de Brahms écrites initialement pour piano à quatre mains (sur les 21 qu’il composa). Par la suite, le compositeur n’en orchestrera lui-même que trois. On sait que la plupart sont inspirées ou arrangées à partir de danses traditionnelles slaves ou tziganes, au contraire de son confrère Dvorak, qui, empruntant à sa suite la même voie folklorique, fut, avec ses danses slaves, pour piano à quatre mains également dans un premier temps, plus imaginatif et créateur. En tout cas, ce final fut éblouissant. Plutôt que de mettre leurs quatre mains sur un même piano, chaque pianiste garda le sien et on eut droit à des danses pour deux pianos. Affichant une joie communicative, une belle complicité et complémentarité, étalant leur virtuosité, alternant danses lentes ou rapides, sautillantes, animées, vivantes, ce fut un véritable feu d’artifice, salué, là encore par les longues ovations et battements de pieds du public.
On aurait aimé des bis pour prolonger le plaisir et cette belle soirée. Hélas ! Les Hanson (photo Bernard Martinez) – que Classiqueenprovence avait entendus en 2024 à Avignon – n’en donnèrent point et nos deux pianistes se contentèrent de l’Abendlied (chant du soir), dernier des 12 Klavierstücke op. 85 de Schumann, bien calme et délicat, comme pour signifier le baisser de rideau et le moment, en ce début de nuit, de rejoindre son lit. Dommage !
Ce concert aura en tout cas conclu un excellent 45ème Festival qui a, semble-t-il, encore un bel avenir devant lui, avec plus de 60.000 auditeurs reçus et un mécénat privé quasi doublé, d’après les dires de son directeur artistique, René Martin.
B.D.
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