Encore un moment magique !
Lundi 14 avril 2025, 20h 30, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence. Dans le cadre du Festival de Pâques 2025 (site officiel).
Renaud Capuçon, violon. Kian Soltani, violoncelle. Mao Fujita, piano
Franz Schubert, Trio pour piano et cordes n° 1, D.898 (op.99). Johannes Brahms, Trio pour piano et cordes n° 1, op.8 (version 1889)
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Après le Capuçon chef d’orchestre (notre compte rendu), retour au violoniste pour ce 4ème concert du Festival de Pâques. Associé aux deux artistes d’excellence, prometteurs et déjà lauréats de plusieurs concours internationaux, que sont Kian Soltani au violoncelle, et Mao Fujita au piano, l’instant offert a encore été magique. Une épidémie de toux s’était emparée du public, se déclenchant sans retenue entre les mouvements, mais soudain discrète dans les moments musicaux, témoignant ainsi de ce que fut l’emprise des musiciens sur les auditeurs.
Passé les deux ou trois mesures d’attaque un peu litigieuses, les interprètes se sont emparés du trio de Schubert pour en révéler toutes les beautés, dont la joliesse des lignes mélodiques. Leur complicité, le dialogue et un mariage parfait entre les instruments, la belle sonorité des cordes, un piano aux justes nuances l’ont magnifié. L’allegro initial, jouant avec un premier thème décidé, un deuxième plus empreint de douceur et leurs transformations, fut lumineux, pour finir sur une petite espièglerie. L’andante, lyrique, laissant échapper une certaine nostalgie, mais sans pathos, mit en valeur le chant du violoncelle, rejoint par le violon et un piano aux interventions délicates. Un scherzo gai, sautillant, souriant, laissait enfin la place à un rondo optimiste, empli de joie de vivre, riche de couleurs et de transformations mélodiques, s’achevant sur un beau final plein de finesse.
S’agissant du trio de Brahms, son numéro d’opus 8 marque une œuvre de jeunesse. Une première version fut en effet écrite en 1854 et créée l’année suivante. Brahms avait alors 21 ans. Mais, doutant de son œuvre, il la retravaillera en 1889, pour aboutir à une seconde version, celle qui nous était proposée ce 14 avril. Dans les quatre mouvements qui le constituent, les musiciens confirmaient le haut niveau de leur prestation. L’allegro initial s’ouvre sur les belles sonorités du violoncelle et du violon, les instruments se complètent bien, les thèmes se développent, passant de l’énergique au plus retenu, du passionné au plus subtil. Le premier thème du scherzo s’élance léger et sautillant, puis prend plus de vigueur. L’introduction des premières notes du thème du trio, distillées dans celles du premier thème finissant, est remarquable. Il développe ensuite son lyrisme vers un climax intense, passionné comme une déclaration d’amour, avant son retour sur le thème initial. Il se dit que Brahms pensait là à Clara Schumann à laquelle il n’était pas insensible. L’adagio qui suit est lent, très lent, méditatif, comme suspendu dans l’espace et le temps par le jeu délicat des musiciens. Le dernier allegro s’anime enfin progressivement pour s’achever sur un final intense et enflammé.
Là aussi les ovations enthousiastes n’ont pas manqué et un bis venait clôturer la soirée, la Marche miniature viennoise de Fritz Kreisler, qui mit encore en exergue la complicité des trois musiciens, leur plaisir de jouer ensemble, l’humour et la bonne humeur dégagés par cette pièce.
B.D. Photos Caroline Doutre
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