Bach au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence : entre lumière et recueillement
Dimanche de Pâques 20 avril 2025, Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Festival de Pâques d’Aix-en-Provence
Bach, Oratorio de Pâques
Les Talens Lyriques ; Chœur de chambre de Namur
Christophe Rousset, direction ; Anna El-Khashem, soprano ; Mari Askvik, alto ; Nick Pritchard, ténor ; Adrien Fournaison, baryton-basse
Johann Sebastian Bach : Cantate BWV 66 « Erfreut euch, ihr Herzen » ; Cantate BWV 134 « Ein Herz, das seinen Jesum lebend weiß » ; Oratorio de Pâques (Osteroratorium), BWV 249
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C’est un programme pascal d’une rare cohérence qu’a proposé le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, réunissant deux cantates (Erfreut euch, ihr Herzen et Ein Herz, das seinen Jesum lebend weiß et l’Oratorio de Pâques, sous la direction inspirée de Christophe Rousset à la tête de ses Talens Lyriques et du Chœur de chambre de Namur.
Dès les premières mesures de Erfreut euch, ihr Herzen, si les trompettes se montrent encore un peu timides, l’orchestre séduit par son équilibre et sa vivacité. Les cordes sont mordantes sans excès, et le basson se distingue avec une virtuosité réjouissante dès le premier chœur. Le Chœur de chambre de Namur impressionne par sa rigueur rythmique et son expressivité, avec un équilibre idéal entre les pupitres. Sur instruments d’époque, Les Talens Lyriques offrent un son rond, chaleureux, d’une belle sérénité.
Le remplacement de dernière minute d’Edwin Crossley-Mercer par Adrien Fournaison laisse une impression mitigée : appliqué, le baryton-basse peine à projeter, l’œil rivé à la partition. Néanmoins, la souplesse de sa ligne de chant permet de transmettre l’essentiel. Ce souci de projection se retrouve d’ailleurs chez l’ensemble des solistes, sans que cela ne nuise à l’équilibre global. Mari Askvik charme dans le duo alto-ténor par sa voix chaude et sa capacité à transmettre l’émotion, accompagnée d’un violon solo à la virtuosité presque hypnotique.
Dans la cantate suivante, Ein Herz, das seinen Jesum lebend weiß, Nick Pritchard s’illustre pleinement. Son timbre lumineux et son aisance dans l’aigu font merveille dans « Auf, Gläubige, singet die lieblichen Lieder ». Le duo avec l’alto, « Wir danken und preisen dein brünstiges Lieben », est introduit avec finesse par l’orchestre, Christophe Rousset jouant habilement des contrastes pour faire respirer les voix avant l’entrée du chœur final, sobre et solennel.
Après l’entracte, l’Oratorio de Pâques offre un moment d’apothéose. Cette fois, les trompettes s’en donnent à cœur joie dès la Sinfonia, puissamment secondées par les timbales. Le contraste avec l’adagio qui suit, lent et presque douloureux, est saisissant, sublimé par un hautbois solo tout en retenue.
Le sommet de l’œuvre est peut-être atteint avec « Seele, deine Spezereien », où la soprano Anna El-Khashem fait preuve d’une finesse remarquable : voix aérienne, intonation précise, elle touche juste. La flûte traversière, partenaire de cet air, impressionne par l’élégance et la longueur de son solo.
Nick Pritchard revient ensuite pour un poignant « Sanfte soll mein Todeskummer », chanté avec une tendresse subtile presque irréelle. Le chœur final, structuré en canons, conclut l’œuvre avec puissance et clarté, suscitant l’enthousiasme d’un public conquis, qui obtient un bis des artistes, comme pour suspendre un peu plus encore ce moment de grâce.
En réunissant spiritualité, émotion et raffinement, Christophe Rousset et ses ensembles signent une soirée profondément habitée, révélant toute la richesse des œuvres pascales de Bach dans une lecture à la fois rigoureuse et poétique.
F.J. /I.F. © Caroline Doutre
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