Ni rupture ni continuité ni hommage. L’édition 77 du Festival d’Avignon a été présentée ce mercredi 5 avril 2023 à la FabricA d’Avignon, lieu permanent du In, en présence des 33 salariés permanents et de quelques-uns des 550 saisonniers, chaleureusement présentés. Dans la sérénité, comme une tranquille et enthousiaste évidence. Tiago Rodrigues, nouveau directeur, premier étranger à ce poste – portugais -, image forte de l’ouverture résolument européenne, a tracé son chemin, sans mettre ses pas dans – ou à côté de – ceux de son prédécesseur Olivier Py. Séance in situ pour une salle pleine, et en vidéo pour les absents…
Les tutelles (Ville. Agglomération, Département, Région) ont réaffirmé leur soutien, et chacune a exprimé en préambule, parfois en cachant mal son émotion, sa sympathie attristée à la présidente du Conseil d’administration, Françoise Nyssen, ex-ministre de la culture (mai 2017-octobre 2018), dont le mari Jean-Paul Capitani, co-fondateur des éditions Actes-Sud, et créateur du pôle culturel du Méjan, est décédé hier 4 avril dans sa ville d’Arles d’une mauvaise chute à vélo.
Ouvert sur le monde, généreux, parfois joyeux, à l’image de son directeur, le Festival annonce une offre élargie (20.000 places supplémentaires), affichant, dans la table des matières de la plaquette déjà éditée, 33 spectacles, mais en proposant davantage, avec une volonté esthétique et écoresponsable affirmée : des spectacles de tous genres – théâtre, musique, danse, chorégraphie détournée, comme G.R.O.O.V.E. en ouverture, transversalité comme le prometteur Jardin des délices, déambulations champêtres et sylvestres de l’autre côté du Rhône, Paysages partagés, avec pas moins de 9 nationalités, même hors Europe… -, avec quelques originalités ; un festival décentralisé – dans le Vaucluse, mais aussi les départements limitrophes, et un retour remarqué à la mythique carrière de Bourbon, délaissée depuis 2016 -… Certains spectacles sont résolument ouverts à tous publics et tous âges, comme l’énigmatique Portrait de l’artiste en ermite ornemental, quitte à réinventer la préhistoire, avec Néandertal, ou à relire des pages tragiques – avec un public moins familial -, comme la colonisation avec Marguerite : le feu, la Shoah avec Les émigrants, ou le racisme avec Carte noire nommée désir. On réécrira même Shakespeare dans Truth’s a Dog must to Kennel, ou la tragédie grecque dans Antigone in the Amazon.
On n’hésitera pas à sourire ou à rire avec L’Addition, où s’inversent les rôles sociaux : les Saturnales ne sont pas loin. Sourire et rêver avec Kono atari no dokoka (à peu près « quelque part par ici »). Les grandes questions d’aujourd’hui ne laisseront pas de traverser aussi le Festival : réseaux sociaux avec Angela (a strange loop), violences faites aux femmes avec Black Lights, migrants avec Dispak Dispac’h.
Sans compter les productions longues de plusieurs heures, toujours plébiscitées.
Plus de dates, plus de lieux, outre les lieux historiques et emblématiques de l’événement.
Chaque année le Festival mettra plus particulièrement à l’honneur une des langues européennes par des œuvres en v.o. ou en traduction : l’anglais cette année, d’abord pour taquiner les Français, s’amuse le directeur, mais aussi parce que l’omniprésence de cette langue s’accompagne paradoxalement d’un réel appauvrissement de cette langue elle-même.
Chaque année également sera reprise une œuvre d’une édition antérieure, comme déjà cette année, qui reprend, même lieu, même horaire – coucher du soleil – En Atendant d’Anne Teresa de Keersmaeker, créée en 2005 ; la même chorégraphe proposera aussi sa création 2023, Walking songs, tout un programme… Reprise également, 18 ans plus tard, de An Oak Tree. Sauf à attendre une véritable réécriture, on peut regretter que le festival perde quelque peu, comme les Chorégies, son ADN, qui se veut, qui se voulait, 100% inédit.
Certains spectacles lanceront une dynamique créatrice qui devrait se poursuivre tout au long des 4 années de la mission du plus avignonnais des artistes portugais, comme Le Songe. Démonter les remparts pour finir le pont (les férus de patrimoine avignonnais apprécieront…).
Pleinement européen, Tiago Rodriguez n’en plaide pas moins pour une vraie territorialité, un ancrage fort dans l’identité de cette ville, qui vit 12 mois par an et pas seulement en été ; une ville qu’il avait découverte, jeune auteur, il y a 10 ans, et dans laquelle il a désormais posé ses valises. Chantre d’une Europe méditerranéenne, tout en faisant la part belle aux créateurs septentrionaux, il présente une affiche tout en fraîcheur et légèreté, peinte avec des fleurs de lavande en guise de pinceaux !
Et encore le nouveau directeur ne nous a-t-il pas tout dit… Et encore tous ces spectacles sont-ils majoritairement en gestation…
Nous dévoilerons peu à peu quelques détails d’une programmation qui n’est ici que brossée à très grands traits.
G.ad.
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