Un Faust qui interroge
Faust. Opéra en cinq actes de Charles Gounod. Livret de Jules Barbier et Michel Carré (Editions musicales NC). Opéra du Grand Avignon
Direction musicale : Alain Guingal. Direction des Chœurs : Aurore Marchand. Etudes musicales : Hélène Blanic
Mise en scène : Nadine Duffaut. Chorégraphie : Eric Belaud. Décors : Emmanuelle Favre. Costumes : Gérard Audier. Lumières : Philippe Grosperrin
Marguerite : Nathalie Manfrino. Dame Marthe : Marie-Ange Todorovitch. Faust : Florian Laconi. Le vieux Faust : Antoine Normand. Méphistophélès : Jérôme Varnier. Valentin : Lionel Lhote. Siebel : Samy Camps. Wagner : Philippe Ermelier
Orchestre Régional Avignon-Provence. Chœur et Ballet de l’Opéra Grand Avignon
Nouvelle production. Sous l’égide de l’association des Amis du Théâtre Lyrique. En co-production avec l’Opéra de Marseille, l’Opéra de Massy, l’Opéra-Théâtre Metz-Métropole, l’Opéra de Nice et l’Opéra de Reims
C’est un Faust audacieux voire subversif que livre Nadine Duffaut entourée de son équipe habituelle, pour clore la saison lyrique et fermer pour deux ans (sauf soirée exceptionnelle du 16 juin) l’Opéra Grand Avignon.
Le fil rouge est un Faust vieillissant qui, même remplacé par son « double » jeune, vit tout le récit en rêve, parfois en cauchemar. L’action de ce mythe médiéval est transposée à l’époque contemporaine, comme en témoignent les costumes : Faust, Méphisto, c’est aussi, potentiellement, chacun de nous. De ce fait, le rajeunissement miraculeux projette l’imaginaire de Faust- donc l’essentiel de la production – dans les années 50, avec jupe à carreaux vichy ou vidéo de retour du Vietnam.
Le plateau est excellent, comme on pouvait l’espérer, et les airs attendus ont été applaudis : Nathalie Manfrino offre son charisme et sa voix de cristal à la muse, puis victime expiatoire et rédemptrice, Florian Laconi impose un Faust jeune qui n’est pas qu’une marionnette de l’infâme Méphisto ; les rôles moins exposés (Dame Marthe, Faust vieux, Valentin) ont eu aussi leur légitime succès.
Quant à Jérôme Varnier (Méphisto), il promène sa haute stature de « bad boy » et sa violence blasphématoire dans une nonchalance insidieuse, et livre à la figure christique un combat immémorial et indécis. Sous la direction d’Alain Guingal, intelligente et précise, l’Orchestre a dû être applaudi par Gounod lui-même. Chœurs renforcés et ballet-maison (une chance !) constituent aussi des éléments majeurs du succès, avec une Nuit de Walpurgis qui a trouvé le ton juste entre débauche débridée et sensualité satanique. La mise en scène distille des trouvailles en clin d’œil subtils qu’on s’en voudrait de décrypter ou de déflorer, et des scènes de séduction ou d’érotisme très… tactiles. Une production très travaillée, qui sait interroger avec pertinence. (G.ad. Photos Cédric Delestrade/ACM-studios).