Peter Eötvös,
compositeur de Senza sangue & directeur musical
(photo Istvan Huszti)
Né en 1944 à Szekelyudvarhely, petite ville alors hongroise aujourd’hui roumaine, Peter Eötvös fuit en 1945 avec sa famille à travers la Hongrie centrale et l’Autriche jusqu’en Allemagne. De retour en Hongrie, ses parents lui font suivre des études musicales précoces. L’abondante littérature pédagogique de Bartok constitue son premier contact avec la musique, et Peter Eötvös a la sensation d’avoir appris la langue hongroise en même temps que la musique de Bartok.
Son apprentissage musical se fait tant au piano qu’à travers les pièces qu’il écrit dès son plus jeune âge. Il remporte un prix de composition à l’âge de 11 ans, et se fait ainsi repérer par Ligeti qui lui préconise de se présenter à l’Académie de Musique Franz Liszt devant Kodaly. Il est brillamment reçu à l’Académie ou il étudie la composition avec Janos Viski sur les conseils de Kodaly. Cet enseignement typiquement académique se double d’une entrée précoce dans la vie active qui va marquer Peter Eötvös, en le formant mieux qu’aucune institution n’aurait pu le faire.
On fait appel à lui dès 1958 pour accompagner des projections de films, en improvisant au piano ou encore à l’orgue Hammond, puis on lui demande des partitions pour le théâtre et le cinéma. Il compose ainsi jusqu’en 1970 un très grand nombre de partitions. Sa curiosité l’amène a découvrir ce qui constituera son monde sonore personnel. Des compositeurs tels que Gesualdo, Stockhausen ou encore Boulez l’influencent et lui permettent d’appliquer simultanément les nouvelles musiques dont il s’est imprégné.
Il sollicite une bourse universitaire afin de quitter son pays natal pour étudier à l’étranger. Il part en 1970 pour l’Allemagne, comme l’avaient déjà fait ses aînés Kurtag et Ligeti. Il étudie la composition avec Bernd Alois Zimmermann, ainsi que la direction d’orchestre et auditionne devant Karlheimz Stockhausen dont il connaissait déjà toute l’œuvre. Peter Eotvos sera tour à tour son copiste, son instrumentiste, son chef d’orchestre, et restera l’un de ses interprètes privilégiés ; il assurera notamment la création de Donnerstag aus Licht. Il effectuera de nombreux voyages, dont celui de six mois au Japon, pays qui le fascine encore aujourd’hui.
En 1978, Pierre Boulez fait appel à lui pour diriger le concert inaugural de l’IRCAM a Paris. Il sera peu après nommé directeur musical de l’Ensemble Inter-contemporain, poste qu’il occupera jusqu’en 1991. Il est de plus en plus reconnu en qualité de chef d’orchestre par les spécialistes de musique contemporaine, mais aussi pour ses qualités dans des ouvrages plus classiques puisqu’il dirige aux Proms des 1980, et est nommé principal chef invité de l’Orchestre Symphonique de la BBC de 1985 à 1988. Cette période est aussi celle de son premier succès en tant que compositeur avec Chinese Opera, écrit en 1986 pour les dix ans de l’Ensemble Inter-contemporain. On retrouve des procédés analogues dans Trois Sœurs de Tchekhov qu’il présente à l’Opéra National de Lyon en 1986. En 2008, dans ce même lieu, il crée deux autres opéras, Lady Sarashina et Love and Other Demons.
En 2014, Peter Eötvös présente un nouvel opéra en version concert, Senza Sangue, commande de l’Orchestre Philharmonique de New-York et de l’Orchestre Philharmonique de Cologne, puis il compose un Concerto pour percussions, dit Speaking Daums et des pièces Dodici and da capo.
Durant la saison 2014-2015, il dirige des concerts avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin, l’Orchestre Philharmonique de Porto ou encore l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion bavaroise.
En avril 2015, il dirige l’Orchestre Symphonique de Londres lors d’un concert célébrant le quatre-vingt-dixième anniversaire de Pierre Boulez.
Son dernier enregistrement Seven, avec Patricia Kopatchinskaja en 2013 a obtenu le Prix Deutsche Grammophon de l’année.
En 2011 Peter Eötvös s’est vu attribuer le Golden Lion Award à la Biennale de Venise, et a été nommé membre honoraire de l’Académie Santa-Cecilia de Rome.
En mai 2016, il dirige à l’Opéra Grand Avignon la version scénique de son opéra Senza Sangue (création mondiale).