En amont de son avant-dernier concert de saison, MBA (Musique Baroque en Avignon) a pu avoir contact avec la soprano Lauranne Oliva. Elle donnera, avec le pianiste américain Levi Gerke (voir l’entretien avec MBA) un récital 100% Mozart, précisément dans l’amphithéâtre Mozart du Conservatoire du Grand Avignon, le 26 avril 2025. Elle fera par ailleurs ses débuts cet été au Festival d’Aix-en-Provence (site officiel).
-Musique Baroque en Avignon : Bonjour Lauranne Oliva, et merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du chant lyrique, et quel a été le déclic pour vous lancer professionnellement ?
-Mon envie de chanter est innée, venant de la riche culture catalane où le chant est très présent dès l’école. C’est en cherchant à comprendre et maîtriser la technique vocale que j’ai intégré le conservatoire de Perpignan, d’abord en piano, car mon âge ne me permettait pas encore d’accéder à une classe de chant. L’étape décisive s’est produite lorsque j’ai enfin pu intégrer la classe de chant et que j’ai rencontré ma première professeure, Sabine Riva. Cette rencontre a été le véritable déclic, me faisant réaliser que c’était ma voie, malgré des études scientifiques initiales. L’impossibilité de renoncer au chant m’a ensuite poussée à changer de direction, avec le soutien de mes parents. J’ai ensuite travaillé avec Christian Papis, ce qui m’a ouvert la voie des concours qui, pour la plupart, se sont avérés très bénéfiques et riches en expériences. Afin de compléter ma formation et d’acquérir une expérience plus solide de la scène, j’ai également intégré l’Opéra Studio du Rhin. Cette structure représentait pour moi un excellent compromis entre l’enseignement et la pratique scénique, car j’ai toujours été très attirée par l’aspect théâtral de l’opéra et le jeu d’acteur.
-MBA : Quels sont les rôles ou les œuvres lyriques qui vous ont le plus marquée jusqu’à présent, et pourquoi ?
-L.O. : Bien que mon parcours soit encore relativement jeune, deux rôles se distinguent particulièrement. Tout d’abord, celui de Suzanne dans Les Noces de Figaro, que j’ai interprété à mes débuts au Théâtre Municipal de Perpignan. Ce rôle, à la fois long et exigeant vocalement, m’a beaucoup marquée. Ensuite, Aspasia dans Mithridate de Mozart représente un véritable coup de cœur depuis mes sept ans de carrière. Ce fut ma première expérience dans l’opéra seria et mon premier grand rôle, une expérience très forte et fondatrice. Enfin, le rôle de Louise dans l’opéra Louise de Charpentier, que j’ai eu la chance de chanter à l’Opéra-Comique l’année dernière, m’a également beaucoup touchée. Ce projet participatif, qui nous a permis de travailler avec de jeunes novices de la région parisienne, fut une expérience vraiment enrichissante. Leur émerveillement face à la découverte de l’opéra, de la scène et de l’orchestre a été évident, et a rendu cette production particulièrement mémorable pour nous tous.
-MBA : Comment travaillez-vous votre voix au quotidien, et avez-vous des rituels ou techniques particuliers avant une performance ?
-L.O. : Au quotidien, mon travail vocal inclut des exercices d’échauffement pour activer les résonateurs, réveiller le corps et travailler le souffle et la respiration. Je respecte également une hygiène de vie assez stricte, en évitant les aliments trop gras, salés, sucrés, épicés et les boissons gazeuses. Le jour d’une représentation, mon rituel principal est le silence. Idéalement, je m’impose un mutisme dès la veille, car la voix a besoin de repos et de récupération, d’autant plus que nous l’utilisons fréquemment. De plus, avant de chanter dans un opéra de plusieurs heures, je préfère ne pas manger, car la sensation de lourdeur est très inconfortable pour moi ; généralement, une pomme me suffit pour tenir.
-MBA : Qu’aimeriez-vous transmettre au public à travers votre interprétation du chant lyrique aujourd’hui ?
-L.O. : J’aimerais avant tout partager mon profond amour pour cet art fabuleux. J’ai aussi une mission : dépoussiérer l’image de l’opéra. Ce n’est pas l’opéra qui est poussiéreux, mais l’idée que certaines personnes s’en font ! C’est dommage d’entendre des gens dire qu’ils n’aiment pas sans même connaître. Mon message est donc d’oser pousser les portes du théâtre, de ne pas avoir peur et de venir découvrir quelque chose de fabuleux. Même sans connaissance de l’époque ou de la langue, tout est là pour suivre l’histoire. Pour moi, c’est un véritable film cinématographique, mais avec une proximité, une magie et des vibrations uniques. Les chanteurs sont tous incroyables et ont tous quelque chose à offrir. Et surtout, il faut amener les enfants ! Leur émerveillement pour cet art est extraordinaire, et très touchant. Si l’on peut émerveiller les enfants avec des voix opératiques, je suis convaincue que l’on peut aussi toucher les adultes. Il suffit d’oser.
Propos recueillis par I.B.
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