Chanson française
Chéri Coco, 8ème album de Thomas Pitiot, est sorti le 2 avril 2021. A l’occasion de cet événement, cet artiste résolument inscrit dans la tradition de la chanson française nous a accordé un entretien. Entre Bamako, Abidjan, le 93 et Avignon, ce chanteur-compositeur- interprète originaire de Seine-Saint-Denis déjoue tous les clichés, reprenant à son compte la grammaire de la musique africaine pour offrir des chansons aux textes savoureux et impertinents. Et où les mélodies ne sont pas en reste.
-Pouvez-vous nous expliquer le titre de l’album Chéri Coco ?
-Il y a trois ans, dans le quartier Cocody Palmeraie d’Abidjan où je séjournais quelque temps, des dames qui tenaient un petit resto à même le trottoir m’ont interpellé en ces termes : « Hé chéri coco, viens goûter attiéké, alloco, poulet braisé et placali ! ». C’était assez pour lier amitié et écrire une chanson qui deviendra le titre de l’album. La photo que l’on voit sur la pochette représente la barre d’immeuble Robespierre à La Courneuve, à deux pas d’où j’ai passé une grande partie de ma vie.
-Comment votre projet d’album a-t-il traversé le confinement ?
-L’enregistrement de ce disque s’est terminé peu de temps avant le premier confinement. C’est l’étape du mixage qui s’est déroulée alors que nous étions chacun chez nous. Nous avons travaillé à distance avec Thierry Minot, ingé son talentueux et généreux qui s’est bien adapté à ces conditions inédites. Lui en Normandie, moi à Avignon, la France traversée via internet plusieurs centaines de fois pour se mettre d’accord sur un résultat satisfaisant. Quatorze chansons, de voyage, de fraternité, de paternité, graves ou drôles, intimes, sociales, des chansons nées des fragments de vie de ces dernières années.
-L’album s’achève sur « Toi Ma banlieue ». On pense assez vite à la banlieue de Renaud. La vôtre est différente, j’imagine… Mais il y a comme chez Renaud, peut-être, un peu de blues, voire une petite nostalgie ?
-Si j’étais un peu taquin, d’ailleurs je le suis, je dirais qu’à la différence de Renaud je n’ai pas fantasmé la banlieue. J’y ai vécu quarante ans et je pense en être un pur produit, même si je ne réduis pas mon identité à celle d’un banlieusard. Mais je pense avoir dans mon ADN cette notion de périphérie à investir et à défendre face à un centre ville concentrant bien souvent les lieux de pouvoirs et les codes officiels. Cette chanson est un hommage à cette Seine-Saint-Denis qui m’a tant nourri. Je tiens à préciser toutefois que j’aime beaucoup Renaud !
-On note une chanson très occitane (même si nous sommes en terre provençale !). Vous prenez racine ici ?
-La chanson « 93 Occitanie » parle de ma bascule entre le nord et le sud. Je pense avoir été toute ma vie attiré par les régions, les pays et les musiques du sud, d’où mes nombreux voyages en Afrique et les liens que j’y conserve. A plus d’un titre, je retrouve ici des réalités que je connaissais bien là-haut, notamment sur le rapport centre ville / périphérie avec cette notion de populations reléguées. Les combats et les défis concernant les services publics, la culture en partage, la qualité de la vie, la défense de l’école publique etc… demeurent les mêmes.
-On a bien noté la couleur africaine de Chéri coco. Quelles découvertes musicales, artistiques avez-vous faites à l’occasion de ce nouvel album ?
-Ce disque est encore une recherche d’équilibre entre la chanson à texte, tradition à laquelle je revendique d’appartenir, et les musiques du soleil, celles qui parlent autant au corps qu’à l’esprit. La danse est une dimension essentielle pour moi, elle symbolise un moment de lâcher prise et de communion avec soi-même et les autres, une expression qui nous renvoie à notre caractère indompté. J’en profite pour remercier le camarade Kadour d’HK et les Saltimbanks pour sa chanson « Danser encore » reprise dans toutes les grandes villes de France, véritable hymne à la survie !
Propos recueillis par S.G-T
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