Plamena Mangova est une fidèle du Festival international de piano de La Roque-d’Anthéron depuis plus de 10 ans ; cette année encore, dès le 26 juillet, dans les 1ers jours du festival (23 juillet-20 août), la pianiste partage la scène avec un des mythes du piano et de La Roque-d’Anthéron, Abdel Rahman Bel Bacha, pour 2 concertos de Mozart (« Jeune homme » et « Couronnement », notre compte rendu). Nous avons rencontré une artiste qu’une indisposition passagère n’a pas empêchée de nous répondre avec une grande amabilité, de surcroît dans une langue qui n’est pas la sienne.
-Comment êtes-vous venu à la musique et à quel âge ?
–A l’âge de 5 ans, alors que je vivais en Bulgarie, j’ai reçu en cadeau un piano en jouet ; ensuite bien sûr, j’ai voulu posséder un vrai piano.
-Quand vous êtes-vous rendu compte qu’il vous fallait vous consacrer à la musique ?
–Pendant quelques années j’ai travaillé avec une superbe enseignante à l’académie de Sofia, Marina Kapatsinstaya qui était elle-même étudiante à Moscou du célèbre Dmitri Bashkirov (1931- 2021). Elle a voulu me le présenter lors d’une masterclass à Salzburg. Des étudiants venaient du monde entier pour le rencontrer. Quelques années plus tard il est devenu mon professeur et je suis restée en contact avec lui jusqu’ à quelques semaines avant sa mort.
-Y a-t-il eu des tournants dans votre carrière ?
–Oui, lorsque j’avais 15 ans, j’ai assisté pour la première fois de ma vie à deux concerts symphoniques. Le premier choc a été le concert de Claudio Abbado dirigeant l’orchestre de Chambre de l’Europe dans des symphonies de Schubert, et quelques jours plus tard, le choc énorme a été pour moi qui n’avais jamais écouté des concerts en live, Bernard Haitink avec la Philharmonie de Vienne dans la 9eme symphonie de Gustave Mahler. J’étais dans la salle du festival de Salzburg, et le choc musical a été tellement énorme que, lorsque j’ai appelé mes parents au téléphone, ils n’ont pas reconnu ma voix ! J’étais complètement transformée, portée dans des sphères inconnues, incroyables ! À partir de là j’ai vraiment senti la force extraordinaire de la musique ! Il a été évident que la musique ferait irrémédiablement partie de ma vie.
-Revenons à ce jour où vous apprenez le 2 juin 2007 que vous avez obtenu le 2e prix au Concours Reine Élisabeth, quel a été votre premier sentiment à l’annonce des résultats ?
–Ce résultat a été magnifique et extraordinaire ! Le fait de participer au Concours Reine Elisabeth et d’être classée dans les trois premiers, c’est une grande performance ! C’était un très grand évènement dans ma vie ! C’est un concours très bien organisé. Au niveau du répertoire et du temps que l’on doit y passer, c’est vraiment le concours le plus important et le plus difficile qui existe pour un pianiste.
-À présent vous êtes une pianiste reconnue et extrêmement sollicitée. Quelles sont vos œuvres de prédilection et y a-t-il des constantes qui vous attirent ?
–J’aime toute la musique car dans tous les compositeurs on peut trouver des faiblesses et des points forts. Mes goûts restent très éclectiques. De Chostakovitch à Prokofiev en passant par Mozart, Brahms, Beethoven et la musique contemporaine. Par exemple, lorsque je joue avec orchestre, ce sont les orchestres qui nous sollicitent, ce n’est pas moi qui propose. Pour le répertoire avec musique de chambre, on a un très grand choix ! Il en est de même pour les concerts en soliste. Le répertoire est vaste.
-Ressentez-vous une complicité voire une fraternité avec certains chefs d’orchestre ?
-(Grand rire) Cela dépend beaucoup avec qui l’on joue ! Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cette complicité est importante lorsqu’elle existe, de même lorsque l’orchestre est en phase avec le soliste, là c’est la fête musicale !
-Prochainement vous allez partager la soirée avec Abdel Rahman El Bacha qui vous a accompagnée un temps dans votre formation. Comment l’avez-vous rencontré et que vous a-t-il apporté ?
–Après avoir été l’élève de Dmitri Bashkirov, j’ai déménagé en 2003 pour vivre à Bruxelles. J’ai appris qu’il y avait un programme de préparation au Concours Reine Elisabeth avec monsieur El Bacha pour le piano, Augustin Dumay pour le violon. Avec une amie violoniste, nous nous sommes présentées aux auditions et nous avons été sélectionnées. J’ai passé ainsi 4 années dans la Chapelle musicale Reine Elisabeth, j’ai eu le privilège d’avoir monsieur El Bacha comme professeur. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir rencontré tout au long de ma formation des enseignants exceptionnels !
-Que représente pour vous Le Festival de La Roque-d’Anthéron ?
–Je vais à la Roque-d’Anthéron depuis 2008, après la victoire au concours Reine Élisabeth et depuis c’est un amour total et absolu avec la beauté de la nature, avec ce parc extraordinaire, avec la gentillesse extrême des organisateurs. Il faut dire que la scène au Parc du Château de Florans est extraordinaire avec son acoustique exceptionnell, et donner des concerts en soirée avec un public de connaisseurs qui viennent là depuis des années, c’est fabuleux ! Au niveau programmation, ce sont les jeux olympiques du piano !
-Quels sont vos projets ?
–S’il n’y a pas de restriction sanitaire, je participe le 21 juillet à un très grand festival de musique au Portugal (près de Porto), le festival international de musique de Póvoa de Varzim avec la participation de grands artistes comme Maria João Pires. Je jouerai avec Tatiana Samouil au violon, Pavel Gomziakov au violoncelle dans des œuvres en trio de Tchaïkovski, Grieg et Dvorak.
Ensuite je jouerai le 26 juillet au festival de La Roque-d’Anthéron le Concerto n°9 en mi bémol majeur K. 271 de Mozart « Jeune homme » avec l’un de mes chefs préférés avec lequel j’ai déjà joué : Lawrence Foster qui dirigera l’Orchestre Philharmonique de Marseille.
J’ai un récital en solo le 30 juillet au festival Erbalunga à Bastia (Corse) : ce sont les Nuits du piano au Palais du Gouverneur avec un programme Liszt, Debussy, Petrovic, Mompou, Ravel, De Falla, Albeniz et Ginastera.
Le 17 septembre, dans le cadre des semaines musicales d’Ascona en Suisse Italienne, je jouerai le concerto Jeune Homme de Mozart avec le Sinfonieorchestter de Bâle dirigé par le chef Ivor Bolton.
Le 30 novembre 2021 je serai salle Gaveau pour un concert avec des œuvres de Clara et Robert Schumann et Johannes Brahms.
Propos recueillis par D.B.
Sortie d’un CD :
Un enregistrement sortira en novembre 2021 sous le label Mirare, intitulé « Lettres intimes » avec des œuvres pour piano solo de Clara Schumann, Robert Schumann et Johannes Brahms. (Dans la brochure il y aura des extraits de correspondance entre les trois compositeurs.)
Ce même programme sera proposé en novembre salle Gaveau
Paroles de … au sujet de Plamena MANDOVA :
De Dmitri Bashkirov, le 21 novembre 2010. Plamena MANDOVA qui a remporté le Prix Reine Elisabeth il y a quelques années, est capable de jouer avec le même souffle les Viennois du XIXème siècle et la musique moderne. Elle est particulièrement inventive dans la musique romantique.
D’Abdel Rahman El Bacha, en juillet 2021. Un tempérament de feu, un jeu aérien, une intelligence musicale peu commune font de Plamena Mangova une pianiste-artiste exceptionnelle.
De Francesco Piemontesi, directeur artistique du festival Ascona. J’ai connu Plamena Mangova au concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2007, ce fut un coup de foudre ! Son interprétation du concerto Jeune Homme de Mozart avait fait littéralement exploser la salle. Depuis ce jour, je n’ai jamais entendu jouer ce concerto à un tel niveau et j’ai hâte d’écouter à nouveau ce chef-d’œuvre mozartien.
Plamena Mangova : biographie
Née en 1980 en Bulgarie, Plamena Mangova a été révélée au grand public en 2007 par un Deuxième Prix au Concours Reine Elisabeth, suivi d’un Diapason d’Or de l’année pour son premier CD.
Applaudie sur les scènes internationales, elle exprime son bonheur de jouer dans un vaste répertoire, du baroque à la musique contemporaine, en concerto, récital et musique de chambre.
Elle a commencé sa formation à l’Académie de musique d’État de Sofia avant de se perfectionner à l’École supérieure de musique Reine Sofia de Madrid auprès de Dmitry Bashkirov et à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth avec Abdel Rahman El Bacha. Elle a suivi parallèlement des Master class d’éminents musiciens comme Léon Fleisher, Alicia de Larrocha. Lauréate de la Fondation Juventus, elle a remporté des Concours internationaux : Santander en 1998, le Concours Vittorio Gui de Florence et le Prix Granados attribué par Alicia De Larrocha.
Depuis ses débuts Plamena Mangova a conquis le public de prestigieuses salles de concerts telles que le Concertgebouw (Amsterdam) ou le Mozarteum (Salzbourg). Elle a d’ores et déjà été conviée à de prestigieux festivals : Festivals de Verbier, Gstaad, La Roque d’Anthéron. Elle a joué sous la direction de grands chefs tels qu’Augustin Dumay, Myung-Whun Chung, Emmanuel Krivine, Jean-Claude Casadesus, Lawrence Foster, Sir Colin Davis, Jean-Bernard Pommier…
Chambriste aux talents indiscutables, elle reçoit le Prix de la meilleure musicienne de chambre des mains de la Reine d’Espagne ; elle partage la scène avec Maria João Pires, Jian Wang, le Quatuor Ysaÿe, Mihaela Martin.
Après une intégrale des œuvres pour violon et piano de Prokofiev avec Tatiana Samouil (Cypres), elle a gravé deux CD Chostakovitch l’un en solo (chez Fuga Libera) l’autre en musique de chambre. La critique a aussi accueilli avec enthousiasme ses CD consacrés à Beethoven et Strauss (5 Diapasons) avec l’Orchestre National de Belgique sous la direction de Walter Weller ainsi que son enregistrement pour violoncelle et piano avec Alexander Kniazev dans des œuvres de C. Franck et E. Ysaÿe. L’ensemble de sa discographie a reçu de nombreuses récompenses, en particulier des Diapasons d’Or.
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