« La vie dans les théâtres ne ment pas »
Philippe Torreton partage la scène de la grande salle de la Scala Provence avec Vincent Garanger dans une pièce composée pour eux par Fabrice Melquiot , Lazzi, ou « plaisanteries » en italien. Rencontre avec un grand comédien.
–Lazzi, c’est une pièce écrite pour vous ?
–C’est un projet qui s’est construit à trois. Nous nous étions rencontrés avec Vincent [Garanger] il y a quelques années dans la pièce de Fabrice Melquiot, J’ai pris mon père sur mes épaules, que mettait en scène Arnaud Meunier, à la comédie de Saint-Etienne. Nous nous étions très bien entendus et nous voulions retravailler ensemble. Nous avons eu l’idée de demander à Fabrice Melquiot de nous écrire une pièce.
-Comment ça s’est passé ?
–On a déjeuné tous les trois chez Vincent, et Fabrice [Melquiot] nous a posé plein de questions. Quelques semaines plus tard est arrivée cette pièce. On a l’impression d’une longue improvisation à deux, d’une histoire qui se construit au moment où les choses se déroulent. Elle part d’un néant, deux hommes au bout du rouleau, qui doivent retrouver une autre façon de vivre. Elle pose la question de l’humanité. Arrivera-t-on à s’adapter ? Et c’est aussi une histoire d’amour entre deux hommes.
-Et un hommage au cinéma !
–C’est un hommage à la cinéphilie, à la relation humaine. Quand on va au cinéma, on croit voir un film avec d’autres gens, et en fait, on se regarde, on se projette dans les acteurs, dans l’histoire. C’est ce que je crois aussi pour le théâtre. Le spectateur croit qu’il regarde des acteurs mais en fait il est là pour s’interroger. C’est ce que résume très bien Hamlet quand il dit que « le théâtre sera le piège où je prendrai la conscience du roi ». On vient se faire piéger, se dévoiler dans le théâtre.
-Qu’aimez-vous dans ce métier ?
–C’est le tout de suite, maintenant. Ça se passe là et nulle part ailleurs. Un film peut être projeté sur plein d’écrans différents à travers la planète au même moment. Vous avez joué le film, mais au moment de la projection, il n’y a pas d’échange. Tandis que le théâtre est indissociable d’un rendez-vous entre des êtres humains sur scène et des êtres humains dans la salle. Et ça c’est merveilleux, cette acceptation collective d’un « on dirait que », ce besoin d’histoire, de s’échapper, de croire en quelque chose et de faire croire en quelque chose et tout ça au nom d’une vérité. Beaucoup de choses sont artificielles au théâtre et pourtant ce n’est pas un lieu de mensonge. J’ai toujours pensé que c’est la vie à l’extérieur qui ment. La vie dans les théâtres ne ment pas. On essaye de débusquer la vérité.
-Êtes-vous coutumier du festival ?
–La première fois que j’ai joué c’était en 1999 dans la Cour d’honneur avec Henri V de Shakespeare. Entre les deux, je suis venu deux ou trois fois en spectateur. Cette année, c’est ma deuxième fois sur scène et j’aime beaucoup. C’est très émouvant, une ville qui, pendant trois semaines se met à respirer du théâtre, à vivre au rythme du théâtre, des spectacles, des parades, des distributions de tracts, des affichages. En juillet prochain, je dois revenir avec Le Mariage de Figaro, mis en scène par Léna Bréban, à La Scala Provence, où nous le créons.
Propos recueillis par Marie-Félicia, & photo
Lazzi, A la Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisserin. Jusqu’au 21 juillet, à 16 heures. Réservations au 04 65 00 00 90. Notre compte rendu
Laisser un commentaire