Une pianiste sensible, d’une infinie poésie
Pianiste au prénom unique car imaginé par ses parents, en hommage à Jodie Foster qu’ils admiraient, Jodyline Gallavardin répond volontiers à nos questions en amont du 44e Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, où elle jouera le 17 août 2024.
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Rien ne la prédisposait à une carrière de pianiste. Née en 1992 dans un petit village de l’Ain au sein d’une famille qui ne pratique aucun instrument, elle tombe amoureuse de la musique à 7 ans grâce à un piano acquis par ses parents. Elle découvre la musique par la pratique de l’instrument. « J’étais très appliquée car j’avais à cœur de bien faire, je pense que j’avais déjà une disposition pour le piano, j’étais assidue. C’était mon petit monde à moi. »
Elle se tourne ensuite vers le conservatoire comme une évidence
« J’ai toujours eu comme professeurs de grands pianistes bienveillants, passionnés par la pédagogie, qui m’ont beaucoup apporté. J’ai quitté la classe d’Hervé Billaut vers 13/14 ans pour le conservatoire de Saint-Maur-des Fossés avec Christophe Bukudjian. Avec lui j‘ai fait un travail en profondeur sur la musique. Je me souviens que cela m’ouvrait d’autres portes et ensuite Marie-Joseph Jude m’a transformée : avec elle nous avons repris toute ma technique, l’importance du toucher, comment on modèle le son, beaucoup de domaines étaient demeurés abstraits mais prenaient sens avec elle. »
Au Conservatoire National, sa route croise celle de grands professeurs et pianistes :Rena Shereshevskaya, Romano Pallottini, Jean-François Heisser, Georges Pludermacher, ou encore Felix Gottlieb. Sa carrière est lancée.
Avez-vous un compositeur fétiche ?
« C’est changeant, cela varie selon les périodes. De tout temps, celui que j’ai peut- être le plus joué et aimé, c’est Alexandre Scriabine. Il a composé des œuvres très romantiques avant de se tourner vers la musique plus sombre et avant-gardiste. J’aime tout de ce compositeur », déclare t-elle dans un éclat de rire !
La Fantaisie en si mineur op28 programmée pour le concert de La Roque d’Anthéron a été pour elle une révélation.
Existe-t-il une ou des œuvres dont vous avez différé l’étude ?
« Il y en a plusieurs que je travaille pour moi mais que je ne joue pas en concert comme les dernières Sonates de Schubert, l’Opus 118 de Brahms que j’adore. Je les travaille souvent pour mon plaisir mais j’en reste là pour le moment ! »
Craignez-vous d’aborder certains compositeurs ?
« Je crains seulement d’aborder des pièces avec lesquelles je ne me sens pas de faire un chemin de vie un peu important. Je crains les pièces pour lesquelles je ne vais pas m’investir totalement. J’ai parfois un a priori. Par exemple, l’année dernière j’ai voulu jouer l’Oiseau de Feu de Stravinsky dans la version réduite pour piano par Guido Agosti. Je l’ai jouée et j’en ai différé l’exécution car je n’arrivais pas réellement à m’investir. Par exemple à l’opposé, j’adore la Valse de Ravel car c’est un casse-tête et j’ai l’impression d’en trouver toujours de nouvelles lectures possibles. »
Quel regard portez-vous sur les concours ?
« Le concours est assez indispensable dans nos métiers même si le principe du classement ou de la rivalité n’est pas dans ma vison idéale de la société. Le concours est une aide si on l’aborde avec une bonne mentalité, par exemple quand on le passe pour s’immerger dans sa préparation, quand il nous pousse au dépassement de soi, il nous fait énormément progresser. »
Quelle place tient la musique de chambre dans votre vie ?
« J’en ai toujours beaucoup fait, même quand j’étais jeune, dans la classe d’Hervé Billaut. Dans la vie je suis plutôt solitaire, c’est pour ça que j’aime le piano mais la musique de chambre est un bon moyen de se retrouver. Partager la musique sur scène avec d’autres musiciens, c’est magique, ça décuple le plaisir de ces petits moments de grâce musicaux, de communion. »
Votre premier disque Lost Paradises sous le label Scala Music a été encensé par la critique (voir notre compte rendu d’écoute). Vous avez déclaré avoir voulu raconter une histoire, de quelle histoire parlez-vous ?
« Ce que je voulais c’était raconter une histoire mais pas dans le sens narratif, je voulais plutôt prendre les auditeurs à un certain endroit pour les amener à une autre destination. C’est métaphorique. Je pense essentiellement à une ode à la nature. Le thème est la création du monde avec son aspect mystique et mythologique, la nature dans son état vierge, (Sibelius) le début des sentiments, le chant des oiseaux (Granados), le vent, le côté spirituel (Séverac) et pour finir le côté plus « habité » avec la Valse de Ravel à laquelle je tiens ! La narration de départ, c’était ça ! »
Jodyline Gallavardin a composé un poème pour accompagner son enregistrement :
« Lentement nos mondes se balançaient et un soleil s’offrait en héros. Les arbres majestueux, leurs feuilles argentées dans le vent. Lors, nous avions tout et pouvions entendre l’oiseau nous parler. Mais sur les vagues rougies par la lueur du soir l’âme glisse et le temps disparaît. Le chant du rossignol à présent porte un chagrin, pleure un amour. Faut-il que nous marchions alors ? Le cœur un peu pesant les mains tendues vers la lumière. Faut-il que nous dansions ? Un ballet immense comme une fête folle où se souvenir de tout et ne rien reconnaître. »
Le 17 août prochain nous entendrons la jeune pianiste pour la première fois sur la scène du Parc du Château de Florans à La Roque d’Anthéron. Cette fois encore, son goût prononcé pour les programmes atypiques et qui font sens l’a amenée à prévoir un programme très onirique avec des pièces de Lyapounov, Scriabine, Lourié, Severac et Ravel. Programme romantique avec des couleurs impressionnistes, ce qui lui permet de déployer toute sa virtuosité dans une atmosphère personnelle d’une infinie poésie.
Votre programme se termine par deux titres qui ont conclu votre premier CD ; est-ce un hasard ?
« Pas tout à fait. Il y a un lien évident entre tous ces compositeurs, ils sont proches par leur parcours de vie, leur style, leur source d’inspiration. La pièce de Déodat de Séverac, Les Muletiers devant le Christ de Livia, suivie de la Valse de Ravel en conclusion d’un programme de concert dont les pièces appellent au rêve, à l’onirisme, a pour moi énormément de sens. »
Jodyline Gallavardin en quelques dates :
Naissance en 1992
2015, titulaire d’un master du CNSM de Lyon (pour le piano)
2017, master au CNSM de Lyon (en musique de chambre)
2018, Invitée de nombreux festivals : le Festival de l’Orangerie de Sceaux, Musicalta, Piano à Saint-Ursanne, Les Pianissimes, Superspectives, le Festival de Menton, le Festival de Radio France, Piano City in Milano .
2019, Lauréate de la fondation SAFRAN et Banque Populaire
2021, master classe de Julia Mustonen-Dahlkvist
2022, premier enregistrement « Lost Paradises » sous le label Scala Music
2022, tournée au Brésil
2023, Prix de la Révélation Musicale de l’année pour le premier disque « Lost Paradises »( à l’occasion de la soirée célébrant les 60 ans des Prix la critique) et récompenses diverses : Choc Classica et 5 diapasons dans Diapason Magazine. Les Echos, Télérama… et CLassiqueenprovence saluent également l’enregistrement.
29 mai 2023, Quentin du Verdier aux sources de l’orgue français.
30 juin 2023, Une nuit avec Faust : les diableries de Léo Marillier.
7 juillet 2023, Festival Les étoiles du classique : les jeunes talents au firmament.
Prochains rendez-vous en 2024
27 juillet, le Tholonet, Bain des Jésuites (concert à 8 heures)
29 juillet, Festival de la Vézère (Brive-la-Gaillarde)
15 août, trio, Festival Jeunes Talents, Loudun
17 août, premier concert à La Roque d’Anthéron
25 septembre, duo avec Cyrielle Golin, Metz
05 octobre, Pianomania, Maison de la Radio, Paris
Propos recueillis par D.B.
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