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C’est une nouvelle initiative festivalière qui voit le jour, notamment sous l’impulsion de Stéphane Baquet – fils du violoncelliste Maurice Baquet -, artiste avignonnais aux multiples casquettes. Résolument tournée vers la spiritualité, la première édition de « Sacrée parole, paroles sacrées », du 1er au 10 juillet, a pour marraine la lumineuse Brigitte Fossey, dont on connaît l’amour gourmand pour les mots, mais pas n’importe lesquels. Elle-même sera présente du 1er au 5 juillet dans un « spectacle » appelé « Passion du Verbe ».
-Quelle a été la genèse de ce mini-festival et de ce « spectacle » ?
–Stéphane (Baquet, NDLR) avec Serge (, NDLR)a voulu créer une rencontre, faire venir au festival des comédiens dont ils connaissaient la passion pour le verbe, dont Catherine Salviat, avec qui ils ont déjà travaillé plusieurs fois. Ainsi aussi Job, dans lequel on entend la voix de Michaël Lonsdale, avec lequel ils avaient monté plusieurs spectacles.
-Se veut-il porteur d’un message ?
-La poésie est une forme de résistance, que ce soit celle des Evangiles, celle de Victor Hugo, des Misérables, tout autant que l’humour de Desnos, ou l’hymne à l’enfance de Prévert. Cela réveille en moi une joie de vivre, ou de revivre, de ressusciter ; on peut ainsi, en soi, faire conversion de l’ombre vers la lumière. Quand le monde est en feu, comme disait Thérèse d’Avila, comment pouvez-vous vous occuper de choses dérisoires ? Le langage est la seule chose qui échappe au pouvoir, aux images trop nombreuses qui nous assaillent ; ainsi nous cultivons un trésor dans la tête.
-Et les mots peuvent créer, façonner le monde ?
-Nous sommes des êtres de langage. Les sons avec les vers embrassent le monde, et par eux nous sommes embrassés par le cosmos. Les mots nous permettent de conceptualiser l’univers, illimité. Et ce qui développe le cerveau, ce sont les mots, le langage, par les connections qu’il crée, par les synapses. Les Tibétains conçoivent le corps humain comme un cosmos.
-Les philosophes de la Renaissance également concevaient l’homme, microcosme, l’homme de Vitruve, comme image en réduction du grand Tout, le macrocosme.
-Il existe des lois dans l’univers ; pourquoi pas dans l’âme ? J’aime me nourrir de belles paroles, en communion avec le chant polyphonique. J’ai chaté dans une chorale, et ce partage me nourrit.
-Le titre de votre sextuple soirée, la Passion du Verbe, repose sur une symbolique chrétienne. Faut-il avoir la foi pour venir vous entendre ?
–Que l’on croie en Dieu, en l’Esprit, ou autre, on est tous invités à venir. Et même et surtout ceux qui n’ont pas la foi. Ils trouveront une autre lumière que celle du paraître : celle de l’« être ». Prévert, Verlaine, Desnos, Baudelaire, Rimbaud disent tous la même chose : au-delà du « dérèglement de tous les sens », on est face à face avec soi-même. On pense aussi à Aragon, dans La Rose et le réséda, « celui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas », et les Evangiles disent que le Christ est venu « surtout pour les voleurs et les prostituées », pour toute l’humanité. Les croyants n’ont aucune supériorité d’accès à la Parole, c’est la force d’Amour qui porte chacun.
-Et vous-même, avez-vous la foi ?
–Après 68, j’ai eu une période difficile. Le père de ma fille a été… rappelé (le réalisateur Jean-François Adam, 1938-1980, père de la comédienne Marie Adam, NDLR), je me suis retrouvée célibataire, et je suis tombée sur Paroles de Prévert. C’est l’époque où ma fille a voulu faire sa Première communion, j’ai rencontré un prêtre ; nous avons beaucoup discuté, mais je ne suis pas naïve pour autant, par exemple je n’adhère pas à la notion de péché originel ; je pense que c’est une façon pour exprimer que nous sommes limités dans notre ego, si grand soit-il. Au moment où pour moi je croyais en avoir fini avec la joie et l’amour, cette rencontre, grâce à ma fille, m’a ramenée à la poésie ; je lui dois d’avoir été rendue à moi-même.
-Comment voyez-vous votre rôle de marraine de ce mini-festival qui naît ?
-Il est tout simple : communiquer ma passion du verbe.
-Vous connaissez bien Avignon. Que représente pour vous son festival ?
–J’ai avec lui un lien très ancien, dès mes premières études littéraires, et même bien avant ; quand j’avais 5 ans, à l’époque de Jeux interdits, j’ai vu la Reine Margot, Jean Vilar, Gérard Philipe, et j’ai toujours suivi le TNP, j’ai toujours voulu suivre ces traces. J’ai tourné aussi Le Grand Meaulnes à 20 ans (de Jean-Michel Albicocco en 1967) puis Les Gens de Mogador dans les années 70 (1972-1973, série télévisée à succès, franco-germano-canadienne en 13 épisodes, écrite et réalisée par Robert Mazoyer d’après la saga romanesque éponyme d’Elisabeth Barbier), mais pour autant je n’ai jamais quitté Avignon, et tout m’a toujours ramenée à Jean Vilar. J’ai également des liens personnels, puisque ma meilleure amie est d’Avignon, et que le théâtre du Chêne noir est contre la maison natale de cette amie.
-J’ai cru voir que vous auriez un été particulièrement actif.
-Avant Avignon, je serai avec Patrice Fontanarosa pour fêter les 500 ans de Ronsard au château de la Possonnière (maison natale), un itinéraire accompagné au violon. Puis je lirai des Fables, à la Ville Ephrussi…
-Un lieu magique, les pieds dans la Grande Bleue…
-Je serai aussi à Castres, puis en Bourgogne avec un pianiste, et en Haute-Savoie pour un projet autour de Sainte Jeanne de Chantal.
-Et quand vous viendrez à Avignon, serez-vous tentée par des spectacles de certains confrères ?
-Je ne sais pas encore si j’aurai le temps, et je n’ai pas regardé le programme…
-Logerez-vous en centre-ville, pour baigner dans le cœur de l’événement, ou préférez-vous le calme extra-muros ?
-Je serai sur l’île de la Barthelasse, proche de la ville mais au calme… »
Propos recueillis par G.ad.
Lundi 1er juillet, 19h30, durée 1h05 environ, église St-Ruf, 27, Bd Gambetta, extra-muros, Avignon (soirée d’inauguration). Puis du 2 au 5 juillet, 11h, collégiale St-Agricol, rue St-Agricol, Avignon.
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