Un tête-à-tête inédit avec l’oeuvre
Auditorium de la Collection Lambert, Avignon. Samedi 29 & dimanche 30 janvier 2022, 17h.
Emmanuelle Bertrand, violoncelle. Intégrale des Suites pour violoncelle seul, Jean-Sébastien Bach
Les Suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach sont un monument de l’histoire de la musique. Les images de « Slava » Rostropovitch (1927-2007) jouant devant le mur de Berlin le célébrissime prélude de la Suite n°1 le 11 novembre 1989 ont fait le tour du monde. Et Emmanuelle Bertrand, invitée ce week-end de la saison de Musique Baroque et de l’Opéra Grand Avignon, avait elle-même participé au premier grand concert en hommage à Rostropovitch en 2009. L’Intégrale des Suites que la violoncelliste a donnée en terre vauclusienne (samedi les 3, 5 et 1, et dimanche les 4, 2 et la redoutable 6e), dans l’auditorium de la Collection Lambert, était donc marquée au sceau de l’humanité.
Ces Suites, six pièces de Bach qui constituent un pivot dans la carrière de nombreux violoncellistes, sont des « suites » de six danses : quatre imposées, dans la même tonalité – allemande, courante, sarabande et gigue – précédées d’un prélude et complétées de deux autres – bourrée, menuet ou gavotte -.
Emmanuelle Bertrand, une musicienne dont le talent est internationalement connu, reconnu, et récompensé, les connaît bien, pour en avoir même joué des extraits lors de son premier concert public à l’âge de 15 ans ! Elle les a enregistrées en 2019, alors que de nombreux collègues ne s’y risquent que bien plus âgés ; prenant possession d’un nouveau violoncelle, et après divers projets transdisciplinaires qui satisfaisaient sa grande curiosité multi-artistique, elle avait senti alors l’impérieuse nécessité de revenir à l’essentiel, à Jean-Sébastien : « Ces pièces sont totalement connectées à l’humain, nous dit-elle, à travers une grande simplicité de structure. C’est une musique profane, d’inspiration populaire, mais c’est aussi une musique sacrée sans être religieuse, c’est une musique spirituelle » (notre entretien sous peu en ligne). En terre avignonnaise, elle jouera l’Intégrale des six Suites en deux concerts, samedi (les numéros 3, 5 et 1) et dimanche (les numéros 4, 2 et la redoutable 6e), à la même heure (17h), dans l’auditorium de la Collection Lambert.
Déjà récompensée par une Victoire de la musique en 2002, Emmanuelle Bertrand est à nouveau nommée pour l’édition 2022 ; « c’est une très jolie surprise, nous dit-elle, dont je ne peux que me réjouir, non pas pour moi, mais pour l’instrument, auquel cela donne une belle visibilité ».
En amont de cette cérémonie des 29es Victoires le 9 mars, ce sont donc deux moments de grâce qu’a offerts cette artiste chaleureuse avec son violoncelle historique, un bijou vénitien Tononi du XVIIIe siècle, dans ce répertoire de référence. Des moments qui ne se réduisent pas à la fermeté de l’attaque d’archet, à la précision du doigté sur les cordes, à l’extrême sensibilité du jeu, à la présence vibrante d’une interprète inspirée. Quand Emmanuelle Bertrand pose les mains sur son instrument, elle semble ouvrir les bras au monde. Quand elle l’étreint, elle semble embrasser le public, pour offrir à chaque spectateur un tête-à-tête inédit avec l’œuvre. Et quand Bach se fait présence, c’est toute la salle qui retient son souffle… Dans l’écrin de l’auditorium de la Collection Lambert, toujours très apprécié du public de Musique Baroque, le socle de bois rajouté in extremis a permis d’assurer l’acoustique précise que requiert une telle œuvre, veloutée par la moquette bleu nuit, aussi profonde à l’œil qu’à l’oreille.
Même la séance de dédicaces à la lumière d’un smartphone – coupure d’électricité malencontreuse – n’a pas entamé la qualité du dialogue tissé avec le public.
G.ad. Photo vignette François Sechet. Photos concert G.ad.
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