Don Pasquale, Gaetano Donizetti. Cinéma Rivoli, Carpentras (84). Opéra sur grand écran, en différé du Royal Opera House de Londres.
Mise en scène, Damiano Michieletto. Direction, Evelino Pido.
Bryn Terfel, Don Pasquale. Mariusz Kwiecien, Dr Malatesta, ami de Don Pasquale. Ioan Hotea, Ernesto, neveu de Don Pasquale. Olga Peretyatko, Norina, jeune veuve.
Une vedette de premier choix, Bryn Terfel, un habitué du R.O.H. que l’on a pu applaudir également en 2017 en récital aux Chorégies d’Orange, est en tête de la distribution du Don Pasquale de Donizetti, dans une production fort réjouissante de Damiano Micheletto, reprise de la saison dernière.
C’est une production fort divertissante qui a été offerte en différé dans 1.075 salles de cinéma, dans 25 pays du monde et en 9 langues.
Cette mise en scène de Damiano Michieletto, coproduction de Royal Opera House et de l’Opéra de Paris, a été créée à Paris en 2018 (avec Florian Sempey et Nadine Sierra !), et reprise cette année pour sept représentations au R.O.H. – du 14 octobre au 2 novembre – dans une distribution maison ; donnée en direct dans certaines salles le 24 octobre 2019, et ce 26 novembre en différé. Cette histoire spirituelle et drôle repose sur le schéma classique du vieux barbon et de sa jeune épouse coquine qui le mène par le bout du nez… Entre comédie et tendresse.
Pourtant, le lever de rideau nous a fait craindre le pire : Bryn Terfel en robe de chambre et charentaises, au milieu de quelques meubles en formica… Et pour décor, des portes sans mur, des néons qui dessinent un contour de scène, et, au-dessus, une silhouette de toit avec cheminée ; dans le fond une voiture portant allègrement ses décennies. Pour les néons, pourquoi pas, même si cette mode a minima commence à perdre son originalité… Mais quelle lourdeur kitsch laisse entrevoir cette entrée en matière ! On craint le Don Giovanni des Chorégies 2019.
Eh bien non, la production est joyeuse, enlevée, légère et rapide, tourbillonnante comme la charmante Olga Peretyatko, au timbre joliment fruité, dans ce rôle bicéphale de jeune ingénue et d’épouse rouée ; elle est parfaite dans les deux costumes. Le toit et la scène tournent, en sens inverse, au rythme soutenu d’une baguette alerte. Le chef italien Evelino Pido, spécialiste de Bellini et Donizetti (dont un enregistrement remarqué de La Sonnabula avec Natalie Dessay chez EMI), après ses débuts au ROH en 1993, dirige à la Scala, à Vienne, Barcelone, au MET, se sent doublement « chez lui » dans Don Pasquale, et déroule un tapis de velours aux artistes sur scène.
Ioan Hotea (Ernesto, neveu de Don Pasquale), en jeune premier mal dégrossi, sait moduler avec une agilité déconcertante ses inflexions diverses de ténor en fonction des multiples situations qui s’enchaînent. Mariusz Kwiecien (Dr Malatesta), en factotum omniprésent, porte la duplicité au rang d’art éminemment sympathique.
Mais c’est Bryn Terfel qui domine sans conteste la production, une production qu’il juge – bonus des interviews en coulisse – « une bonne vidange pour le mécanisme vocal ».Une production qu’il domine sans pour autant l’écraser. Mieux, il la porte avec un plaisir non dissimulé et un talent de haut vol, vocal et scénique. Tour à tour ours mal léché, soupirant cocasse, mari dépassé, il se régale dans un jeu de scène étourdissant, toujours juste, toujours sur le fil du bon goût malgré le risque permanent du sur-jeu. Avec des mimiques que le caméraman se régale, lui, à saisir au vol.
Et le metteur en scène n’a pas boudé son plaisir non plus. Damiano Michieletto, né en 1975 à Venise, est artiste que l’on s’arrache : avec vingt-deux programmations en 2019 sur les grandes scènes du monde, et quatorze prévues en 2020 – même si la plupart sont des reprises -, il s’offre une belle visibilité, avec un regard délicieusement décoiffant. Et pour mieux signer la mise en perspective, le recul, la facétie, il fait appel tantôt à des enfants, tantôt à des marionnettes.
La captation cinématographique restitue allègrement le rythme soutenu de la production, et l’on regrette qu’il n’y ait pas davantage de mélomanes pour s’offrir Covent Garden au prix d’une place de cinéma ! (G.ad. Photos R.O.H. Photos salut G.ad.)
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