Capitole-Studios, Le Pontet (84). En direct de l’Opéra Garnier, Paris (21 juin 2019). Don Giovanni, Mozart. Opéra en 2 actes.
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Paris
Direction : Philippe JORDAN. Mise en scène : Ivo VAN HOVE.
Don Juan : Etienne DUPUIS. Leporello : Philippe SLY. Don Ottavio : Stanislas DE BARBEYRAC. Il Commendatore : Ain ANGER. Masetto : Mikhall TIMOSHENKO
Donna Anna : Jacquelyn WAGNER. Donna Elvira : Nicole CAR. Zerlina : Elsa DREISIG
Quelle belle fin de saison que nous a offerte le Capitole Studio à l’occasion de la Fête de la Musique avec ce Don Giovanni de Mozart en direct du Palais Garnier à Paris.
Dans une production originale et d’un grand esthétisme, Ivo van Hove a donné une lecture de Don Juan certes moderne mais très respectueuse de l’esprit mozartien, dans un décor unique à la Fritz Lang : une rue principale bordée de maisons dans des tons de gris et brun.
Les costumes d’An d’Huys, intemporels, dans des tons de gris/ noir/ beige, bien ajustés, mettent en valeur la silhouette de chaque interprète.
Les lumières de Jan Versweyveld accentuent le drame qui se déroule sous nos yeux.
Pour ce nouveau spectacle en co-production avec le Metropolitan Opera, l’Opéra de Paris a fait appel à une distribution jeune et excellente.
Etienne Dupuis (Don Juan) en prise de rôle a donné une interprétation digne des plus grands interprètes, avec un physique à l’image du personnage ; la voix est belle, bien maîtrisée, toute en nuance, et soulignant avec pertinence les éléments dramatiques du rôle.
Philippe Sly (Leporello) lui donne la réplique, en véritable double de son maître. La voix est elle aussi superbe, avec des graves de toute beauté, donnant à son personnage à la fois tendresse et dureté.
Le commendatore de Ain Anger est une basse d’une grande noblesse, un patriarche d’une grande élégance avec une voix qui vous donne « froid dans le dos ».
Stanislas de Barbeyrac (Don Ottavio) est une très agréable surprise ; sa voix et son interprétation évitent trop fréquente du personnage. Il exprime, dans son air si redoutable du 1er acte, une grande émotion, saluée par une slave d’applaudissements.
Mikhall Timoshenko (Masetto) est plein de vivacité du haut de ses 26 ans. Il possède une voix jeune mais bien placée, vaillante, qui donne une réelle crédibilité à son rôle. Il forme un couple attachant plein de charme avec Elsa Dreisig ( Zerlina ), qui à 28 ans possède une voix sublime, très expressive, pour un rôle très souvent dans la dualité de l’amour. Elsa Dreisig, que Classiqueenprovence avait interviewée en 2017 dans le cadre des Saisons de la Voix de Gordes, alors qu’elle était tout auréolée de ses lauriers au concours Operalia – créé par Placido Domingo -, avait quelque peu bousculé – on s’en souvient sans doute – la cérémonie des Victoires de la musique 2019, qui venait de la couronner Révélation lyrique : elle avait refusé de remercier « pour ne pas être obéissante », tenant à « rester elle-même » ; erreur de jeunesse, ou arrogance présomptueuse ? Toujours est-il que son album Miroirs, paru à l’automne, a reçu, lui, des commentaires très élogieux.
La soprano australienne Nicole Car (Donna Elvira) – l’épouse à la ville d’Etienne Dupuis -, captive l’auditoire avec un chant fabuleusement dramatique ; dans l’incarnation d’une femme amoureuse et blessée elle est touchante, bouleversante d’humanité, avec une voix riche et charnelle tout au long de l’œuvre. Classiqueenprovence a vu le couple Car/Dupuis cet hiver à Marseille dans Faust (Foster/ Duffaut), qu’il enchaînait après une Traviata in loco perturbée par des mouvements sociaux.
Jacquelyn Wagner (Donna Anna) est brillante d’humanité dans l’interprétation d’un rôle si redoutable ; elle assure ses airs avec virtuosité et dignité, donnant à ses vocalises une intensité fracassante de beauté.
Toute cette distribution était placée sous la baguette du maître des lieux, Philipe Jordan, qui a dirigé cette partition avec élégance et raffinement.
La saison 2018-2019 se termine en beauté.
Dans quelques semaines, Classiqueenprovence sera sur les gradins du théâtre antique d’Orange pour un autre Don Giovanni, dirigé par Frédéric Chaslin et mis en scène par Davide Livermore. (JL.A.)
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