Janine Reiss, qui vient de disparaître ce lundi 1er juin, n’était pas sous les feux de la rampe, mais elle savait guider, accompagner, conseiller, former, les stars et les divas qui, eux et ells, brillaient sur le devant de la scène. Car il n’y a pas de grands chanteurs sans grands chefs de chant. Raymond Duffaut, qui depuis presque un demi-siècle est quelqu’un qui compte dans le monde musical, se souvient, dès qu’il apprend le décès de Janine Reiss.
« Nous avons appris ce matin la disparition de Janine Reiss dans sa 99e année.
Elle fut « LE » grand chef de chant français de ces dernières décennies.
Elle était pendant de longues années « la » directrice des études musicales de l’Opéra de Paris.
Ce fut Rolf Liebermann, qui fut lui-même l’heureux responsable de la résurrection internationale de l’Opéra de Paris – même si on peut lui reprocher que ce fût alors au détriment des chanteurs français – qui la nomma directrice des études musicales de l’Opéra, poste qu’elle continua à occuper sous la direction de Hugues Gall.
Elle coacha nombre de grands artistes internationaux, dont notamment Callas dont elle fut proche. Elle fut la conseillère musicale du film Don Giovanni de Losey avec Raimondi. Elle fut également la responsable des études musicales d’Alain Lanceron sur tous les disques produits par EMI et ensuite la Warner.
Pour ce qui me concerne, j’ai eu la chance de travailler avec elle comme responsable des études musicales aux Chorégies pendant plus de deux décennies : c’était pour moi la garantie d’une intégrité musicale de l’interprétation, car elle était une vigile attentive dans ladite intégrité des partitions. Elle avait la réputation, parfois, d’être dure : elle était simplement exigeante et souhaitait toujours se rapprocher de la perfection dans l’interprétation d’une œuvre.
J’avais eu également le plaisir de l’accueillir au Thor dans un spectacle dit par Ève Ruggieri sur Callas et joué par Janine, et pour coacher une distribution de prises de rôles de jeunes chanteurs dans une Carmen. Janine Reiss avait également signé deux mises en scène au domaine viticole du Château Malijay à Jonquières, Cosi fan tutte et L’Heure espagnole. Et à l’Auditorium du Thor, elle avait participé à un spectacle d’Ève Ruggieri sur Callas.
Elle avait été aussi responsable des études musicales du film de Carmen où l’on avait découvert Julia Migenes, qui se révéla une incroyable Carmen – aux côtés de Domingo et Raimondi – et qui avait monté un spectacle cross-over avec Janine, que j’avais aussi accueilli au Thor.
Et puisque nous sommes à Avignon, il faut signaler que Janine Reiss fut aussi le coach de… Mireille Mathieu ! Celle-ci l’avait contactée pour la faire travailler assez tardivement, souhaitant que Janine pût opérer régulièrement un contrôle de sa technique vocale ».
Raymond Duffaut,
ancien directeur des Chorégies,
ancien directeur puis conseiller artistique de l’Opéra d’Avignon,
directeur du CFPL,
président des Saisons de la Voix de Gordes,
directeur artistique de Musique baroque en Avignon
Un communiqué de presse des Chorégies d’Orange rend hommage à son tour à cette grande dame.
« Toute l’équipe des Chorégies d’Orange souhaite partager sa profonde tristesse d’avoir perdu une immense dame de la musique.
Janine Reiss est décédée ce lundi 1er juin dans la soirée, à l’âge de 99 ans.
Directrice des Études Musicales à l’Opéra national de Paris de 1973 à 1980, elle travaillera ensuite aux côtés des chefs et interprètes les plus prestigieux, invitée par les plus grands festivals et opéras du monde entier. Sa carrière fut marquée par son travail auprès de Maria Callas pendant dix ans, mais également auprès de Teresa Berganza, Mady Mesplé (disparue deux jours avant elle, NDLR), Julia Migenes, Placido Domingo ou encore Luciano Pavarotti, sans oublier les jeunes artistes auprès desquels elle prodiguait ses précieux conseils.
C’était une fidèle des Chorégies d’Orange.
Raymond Duffaut l’invite pour la première fois aux Chorégies d’Orange en 1989, pour La Flûte Enchantée. Elle y revient fidèlement pendant vingt ans, pour 38 productions au total. Sa dernière présence date de 2009, pour La Traviata, Cavalleria Rusticana et Pagliacci.
Par ce communiqué, les Chorégies d’Orange expriment leur reconnaissance à Madame Reiss, et la remercient pour son immense talent ».
Quant à Philippe Gromelle, photographe des Chorégies, il exprime à la fois un profond respect pour cette dame avec qui il n’a échangé que quelques mots de courtoisie, et beaucoup d’amiration. En 20 ans il a accumulé de nombreux clichés, comme autant de souvenirs. « J’étais amoureux d’elle, évidemment : elle avait tant de charme ! », sourit-il.
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