Nièce de Gérard et cousine de Julie, Delphine Depardieu – tout comme son père Alain producteur de cinéma – est moins visible qu’eux dans les médias. Ce qui n’empêche pas la jeune actrice, née le 8 mars 1979, de mener une solide carrière, après une double formation d’audio-visuel et de théâtre (Cours Simon). Elle choisit la scène et le cinéma. Elle joue aux côtés de Roland Giraud, mais aussi d’autres « fils de… », Paul Belmondo, Alexandre Brasseur… Elle a tourné pas moins de 8 films (2006-2016), 2 clips (2008-2012), 5 courts-métrages (2004-2012), 4 téléfilms (2003-2014, dont un Julie Lescaut) et 17 pièces (2002-2016). Au Festival Off d’Avignon elle a déjà joué Le Misanthrope de Molière, mis en scène par Nicolas Rigas en 2010, puis La chanson des nuages de et mis en scène par David Friszman.
Nommée meilleure actrice dans un second rôle au Southampton International Film Festival en 2014, Delphine Depardieu interprète Constance, la jeune veuve de Mozart, dans Le Dernier baiser de Mozart, d’Alain Teulié, au Festival Off d’Avignon, cuvée 2016. Primesautière dans la vie, elle campe ici un personnage complexe, attachant.
-Delphine, comment s’est monté ce projet du Dernier baiser de Mozart ?
–Par hasard. Raphaëlle (Raphaëlle Cambray, metteure en scène, ndlr) est une amie depuis longtemps.
-Une amitié professionnelle ?
–A l’origine, oui. Récemment, on a voulu travailler ensemble. On s’est dit : on va chercher un auteur, on va lui passer commande. Je venais justement de me lier sur Facebook avec un certain Alain Teulié. On lui propose le projet. Une pièce à deux personnages, avec un sujet qui a trait à la musique. Il est d’accord, et nous met à l’aise ; il nous dit clairement : si la pièce vous convient, parfait ; si vous n’aimez pas, on ne la fait pas. On est deux femmes, on ne doute de rien. On prend rendez-vous. Mais quand on le rencontre, il nous dit : je vais vous faire lire une autre pièce. Le rôle vous siérait bien.
-Une pièce déjà écrite ?
–Oui, qu’il avait dans ses tiroirs.
-Vous avez accepté tout de suite ?
–Bien sûr ! J’ai une passion pour Mozart depuis toute petite. On peut l’écouter dès le ventre de la maman. Je connaissais le film de Milos Forman, mais pas du tout la vérité historique. Je suis tombée des nues. Depuis, je n’ai pas réussi à revoir le film de Forman.
-Est-on certain de la vérité historique ?
–Oui, on a des documents qui l’attestent. Des manuscrits de Salieri dans le Musée Mozart. On a aussi quelques notes écrites par Eybler (Joseph Leopold Eybler, 1765-1846, ndlr). En fait plusieurs mains.
-Vous parlez de l’écoute de Mozart dès avant la naissance. Etait-ce votre cas ?
–Non. C’est mon père qui aime beaucoup la musique classique. Ma mère est moins férue. Mais Mozart est très accessible. Si l’on veut faire aimer la musique classique, on commence par Mozart, c’est acquis. Tous les soirs quand je suis sur scène, Mozart me met quelque chose au cœur, comme s’il touchait au cœur, comme s’il touchait au divin.
-Le spectacle évite du moins l’écueil d’une abondance d’extraits musicaux.
–C’était le choix, de ne pas trop faire entendre, à part le magnifique « Lacrimosa » du Requiem. On a décomposé le « Lacrimosa » par morceaux pour le construire ensuite. Comme s’il se créait peu à peu pour nous.
-Comment avez-vous travaillé ? Avec un musicologue ?
–Non, avec un ingénieur du son. On s’est retrouvé un dimanche, il a enregistré des parties décomposées du « Lacrimosa ». Ainsi, on le sent arriver peu à peu, par bribes. On entend à la toute fin le Requiem de Mozart lui-même, mais on sait qu’il ne l’avait que commencé...
-Jusqu’à la 8e mesure, dit-on.
–Oui, et c’est lui qu’on écoute à la fin, au moment du salut. Mais on le laisse se dérouler en entier. Quand on laisse entrer le « Lacrimosa », c’est dur de l’arrêter. D’ailleurs il ne dure que 2 minutes 30.
-Vous disiez que Mozart était accessible. En fait il est terriblement complexe. C’est une fausse simplicité.
–La difficulté, est justement de faire cette simplicité. Mais un amateur, en l’entendant, ne peut pas se dire : je le fais demain ! C’est d’une précision et d’une rigueur ! Il faut être virtuose pour le jouer. Mozart ne tolère pas la médiocrité.
-Vous-même êtes-vous musicienne ?
–Je l’ai été, pas longtemps. J’ai fait du piano puis du saxophone. Mais j’ai eu la bêtise de la jeunesse, de ne pas continuer.
-J’imagine que cela vous a tout de même apporté quelque chose ?
–De la rigueur ; j’en ai, beaucoup. Et cela m’apporte des facilités de vie en général, et cela peut aider à méditer. En fait, mes parents ont été trop gentils avec moi, ils ne m’ont pas forcée. Ils ont été très déçus de moi, même si on ne se l’avoue pas.
-Vous habitez vraiment votre personnage de Constance. Comment vous en êtes-vous imprégnée ?
–C’est une femme légère, un peu bêta d’après ce qu’on voit dans une correspondance du père de Mozart. Mais on a peu d’éléments sur Constance. Elle avait une très mauvaise orthographe, comme toutes les femmes à cette époque. Elle avait honte d’écrire à Léopold. Mais c’est un personnage humain, et, comme tout le monde elle a plusieurs facettes, dont celle d’être la femme d’un génie, ce qui n’est pas facile.
-Elle le dit d’ailleurs dans la pièce.
–Et pour soutenir un génie, elle ne peut pas être une bécasse comme on a voulu la montrer. Mozart, c’était à la fois l’ombre et la lumière, sans doute difficile à supporter ; il avait par exemple un humour très cru. Mais ils s’aimaient beaucoup.
-Ils s’aimaient, tout simplement…
–Oui. Elle était en fait chanteuse, musicienne, et tout cela, c’est des indices d’une femme qui a plein de facettes.
-Elle avait en tout cas une véritable sensibilité.
–C’était une femme (sourire) ! Et multiple, qui a su soutenir un génie. J’ai lu la correspondance de Mozart. Il y a très peu de choses sur Constance. Je me suis donc servie de l’imaginaire d’Alain Teulié, pour savoir comment Mozart l’aimait. Il l’aimait de façon très… comment dire ? possessive. Comme tous les enfants génies précoces, il était très exigeant. Il allait à Baden prendre les eaux pour ses jambes, pour se soulager. Il avait d’ailleurs eu une croissance contrariée ; il ne mesurait qu’1m52. Et dès l’âge de 3-4 ans, il dormait très mal.
-Et le rôle de Constance ?
–Les femmes sont plus viriles, plus guerrières, plus fortes, plus présentes. Plus fines aussi. A cette époque il n’y avait pas encore d’égalité. Mais même face à la maladie, hommes et femmes ne sont pas égaux, je l’ai vécu moi-même. Les hommes ont plus de difficulté face à la maladie. Ils restent des enfants. Surtout les génies auxquels on enlève leur enfance.
-Vous jouez dans le cadre du festival Off. Quelle est votre relation à Avignon et au Festival ?
–Je l’ai connu il y a 7 ans, et c’est la 4e fois que j’y joue. Mais même quand je ne joue pas, je viens tous les ans. J’aime beaucoup le festival, je viens y voir des amis, j’aime la ville. J’étais venue aussi jouer hors festival, avec Roland Giraud par exemple, dans Délit de fuite. La ville, le festival, c’est un rendez-vous que j’apprécie. Cette année, par exemple, je loge à Villeneuve, chez la directrice du théâtre où je vais jouer à Paris. Eh bien Avignon me manque, l’ambiance, les rues, le soir notamment. Et puis il y a de super magasins ici ; remarquez, c’est meilleur pour mon portefeuille, que je ne sois pas en ville (rire) ! Et puis de bons restaurants. J’adore par exemple la rue des Trois-Faucons.
-Ce n’est pas celle qu’on cite en premier habituellement…
–Tout le quartier. La rue des Trois-Faucons, il y a là des trésors d’appartements ; et puis la place des Corps-Saints, c’est « le » lieu mythique.
-Verrez-vous d’autres spectacles pendant le festival ?
–J’irai voir un ami, Thomas Soliveres, qui joue à 14h aux Béliers (dans Venise n’est pas en Italie, ndlr), un monologue. Et puis il faut aller au In aussi. Je voudrais aller voir les Damnés, mais je serais étonnée qu’il y ait encore des places...
-J’imagine que vous avez des projets ?
–En septembre donc nous reprenons le Dernier baiser au Petit Montparnasse. Auparavant, fin août, je serai à un festival de film en Russie pour un film, La Dormeuse du Val qui sortira en septembre. Je prépare un autre film avec le même réalisateur sur Madame Rimbaud. J’aime beaucoup les projets sur les femmes. Derrière chaque homme célèbre, cherchez la femme… Puis ce sera une tournée avec le Dernier baiser.
-Si vous n’aviez pas été ce que vous êtes…-
–Nez, j’aurais aimé être nez (rire). J’aime les odeurs. C’est de famille. Gérard a un gros nez… Je suis en effet très sensible aux parfums, aux odeurs.
Propos recueillis par G.ad. Photos G.ad.