Opéra Grand Avignon, jeudi 16 juin, 18h30, Foyer du public
Rencontre autour de Three lunar seas
Frédéric Roels, metteur en scène, et directeur de l’Opéra Grand Avignon ; Joséphine Stephenson, compositrice ; Ben, librettiste
C’était une excellente initiative que cette rencontre à l’Opéra Grand Avignon autour d’une oeuvre encore à naître, et les mélomanes, sur invitation et réservation, avaient répondu présents, dans le grand foyer du public de l’Opéra Grand Avignon.
Présents, mais peu nombreux : à l’estimation visuelle, seulement le tiers des quelque 120 places du grand foyer. Plus quelques unités sur la chaîne YouTube. Faut-il s’en étonner, quand on sait que l’épisode Covid a vidé beaucoup de salles plus durablement qu’on ne le pensait ? Faut-il s’en étonner quand des Wagner ou Delacroix n’ont guère suscité en leur temps d’enthousiasme, et c’est ici une sérieuse litote…?
Pourtant il n’y a guère d’autre voie pour aimer une recette nouvelle que d’y goûter. Et, pour une création musicale, de la découvrir, de la comprendre… quitte à ne pas l’apprécier in fine : au moins l’avis sera-t-il motivé.
Pour ma part, j’ai toujours eu pour les œuvres en gestation une curiosité particulière ; elles portent encore en elles ce goût de promesse, qu’a perdu le produit fini.
Faire partager la gestation d’un opéra en train de s’écrire est donc sans doute la meilleure façon de sensibiliser et d’intéresser le public. Joséphine Stephenson (compositrice, en résidence pour deux saisons à Avignon), Ben (librettiste, que nous appellerons par son prénom seul, faute d’avoir noté son nom), et Frédéric Roels (metteur en scène), ont expliqué leurs visions respectives de l’œuvre et du travail de chacun, ainsi que la future articulation de l’ensemble.
En l’occurrence, l’œuvre en train de se créer est triple, comme l’indique le titre (Three lunar seas – Trois mers lunaires –). Trois histoires en prise directe avec l’actualité, pour l’instant distinctes, mais dont les liens devraient émerger voire s’imposer au fur et à mesure des semaines.
- Première histoire : deux femmes en couple décident d’avoir un enfant, que portera l’une des deux ; l’autre rencontre par hasard un enfant qui semble accablé de toute la misère du monde ; question : la responsabilité de mettre un enfant au monde n’est-elle pas folie dans un tel contexte ?
– Deuxième histoire : un couple est confronté à l’irruption, chez le conjoint, d’une maladie qu’on découvrira être Parkingson, des premiers symptômes jusqu’à l’irréversible ; question : à quel moment, s’il y en a un, le couple se brise-t-il, les 2 conjoints devenant étrangers l’un à l’autre ?
– Troisième histoire : une activiste s’introduit nuitamment dans une centrale nucléaire ; le veilleur se demande s’il la chasse et en réfère à la direction, ou s’il ferme les yeux…
Trois sujets qui ne font pas dans la dentelle…
A mon tour de me demander si l’art est catharsis, ou transcendance ; reflet de la réalité ou sublimation ? J’avoue n’avoir aucune réponse définitive, mais suis curieuse de suivre l’évolution du projet, Frédéric Roels ayant promis d’autres rencontres de ce type lors d’étapes suivantes. Informé de la possibilité de suivre à distance, peut-être le public sera-t-il alors plus nombreux.
Un extrait musical a ensuite été proposé par la soprano Patrizia Ciofi – qui, par ailleurs, participera comme toujours à Musiques en Fête aux Chorégies d’Orange ce lundi 20 juin 2022 – et la pianiste Ayaka Niwano ; on connaît le talent de l’une et l’autre, et l’engagement total de la chanteuse à vivre totalement ses rôles, au risque de s’y brûler ; elle témoigne pour ce projet-ci un enthousiasme qu’on apprendra peut-être à partager ; pour l’instant, les exigences que requiert la partition nous inquiètent un peu tous…
Quant à la scénographie lumières et vidéo de Dori Deng – présente par photos seulement -, j’adhère sans réserve aux créations diverses, courbes, lunaires, lumineuses, légères, qui marquent sa signature.
Attendons les rencontres suivantes, qui jalonneront le processus jusqu’à la création, dans une année.
G.ad.
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