Un corps sans pensée, sans limite, sans peur … vraiment ?
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La Manufacture Château St Chamand, Avignon, 16h45, 2h (trajets compris). 4 au 21 juillet, relâche les 9, 10, 16 et 17 juillet. A partir de 14 ans.
En décrivant le cocktail (explosif) du sport à haut niveau, Marion Rothhaar, qui a écrit cette pièce, attire l’attention sur le fait qu’il doit rester un plaisir et non une souffrance. Les différents tableaux qui exposent certains moments de la vie et des entraînements des athlètes soulignent les humiliations, la souffrance, l’abnégation, les violences morales et physiques.
Ce spectacle soulève chez le spectateur un certain nombre de questions : jusqu’où le sport peut-il être source de plaisir ? Est-ce que les jeunes enfants doivent accepter toutes ces souffrances et humiliations qui meurtrissent le corps et l’esprit ? Quelle charge mentale doit être celle de l’athlète ? Est-il nécessaire de quitter sa famille et d’aller au bout du monde s’entraîner ? Doit-on être réduit à l’état d’un corps ? Est-ce que la performance justifie l’écrasement de l’individu ?
Décor sobre dans lequel évoluent deux personnages principaux, ensemble, et qui ne peuvent exister l’un sans l’autre : le coach et l’athlète. Marion Rothhaar (ex-gymnaste de l’équipe allemande qui a participé aux JO de Séoul) incarne à la fois le rôle de l’entraîneur impitoyable mais aussi son propre rôle en flash-back. Quant à Rahel Johanna Jankowski, elle réalise une très belle performance en endossant avec conviction et compétence le rôle de l’athlète (gymnaste de gymnastique rythmique et sportive), écartelée entre volonté de faire des performances, de faire plaisir à son coach, de ne pas grossir (la tyrannie de la balance plusieurs fois par jour…), et surtout ne pas être supplantée par plus jeune qu’elle. Le chronomètre et la balance rythment son quotidien. Mais quoi qu’il arrive, ne pas oublier qu’il faut sourire !
Si Marion dépeint la volonté de tout arrêter qui fut la sienne à un moment donné, elle ne condamne pas les sportifs. Elle rappelle les devoirs de chaque sportif (le droit d’arrêter, de jouer, de choisir son rythme, de souffler, de dire non par exemple). Elle essaie plutôt de décrier le système impitoyable, à commencer par ce qu’affirme la devise des JO (« Citius, Altius, Fortius », « plus vite, plus haut, plus fort »), qui pousse chaque athlète à se dépasser, à être le meilleur, sans écouter son corps. Pour elle, qui est maintenant devenue metteuse en scène et dramaturge, le sport doit être et rester un plaisir, non une souffrance, pour le corps… et l’esprit ! L’analyse repose sur des mots justes et sans appel, même si l’empathie pour ces sportifs pointe inévitablement à l’arrière-plan.
La mise en scène allie beauté et souffrance, mais de façon poétique… et le spectateur, comme l’athlète, oscille constamment entre les deux.
Le collectif luxembourgeois MASKéNADA cherche de surcroît à intégrer dans chaque représentation de cette pièce une gymnaste professionnelle (parfois locale) pour montrer un enchaînement de GRS, résultat de tant d’années d’entraînements et d’efforts. Durant ce festival, c’est une gymnaste ukrainienne, Mariia Iezhemenska, le 3e personnage de cette pièce, qui a réellement concouru à haut niveau mais qui aujourd’hui (à 19 ans !), n’est déjà plus active dans la compétition et est devenue coach sportive.
En cette année olympique, cette réflexion est plus que jamais d’actualité et nous offre une belle caisse de résonance.
Christèle. Photo Daniel Jarosch
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