Cordelia Palm est violon super soliste dans l’Orchestre Régional Avignon-Provence. A ce titre, elle participe à toutes les productions de l’orchestre, lyriques ou symphoniques, sauf opérettes et séances scolaires. Elle assure parfois (trop rarement) la partie solo de tel concerto, et elle sera ce vendredi 13 janvier 2017 sur le devant de la scène avec le violoncelliste Henri Demarquette, dans le double concerto de Brahms. Rencontre avec une artiste lumineuse.
-Cordelia Palm, vous aviez commencé, toute jeune, piano et violon ; comment avez-vous finalement choisi le violon ?
-Je prenais également le violoncelle, que je jouais comme ça, sans vraiment le travailler. Mais le violon était inné pour moi, c’était une évidence dès l’âge de 2 ans. Mon père l’a très vite compris, et m’a encouragée.
-Vous êtes super soliste à l’Orchestre Régional Avignon-Provence. Comment devient-on super soliste, par concours, par audition ? Ce titre concerne-t-il seulement le violon ?
-C’est un concours, qu’organise chaque orchestre si le poste est libre. Dans les grands orchestres, comme à Nice, Bordeaux et surtout les orchestres parisiens, on peut recruter un super soliste dans les pupitres de cor, de hautbois ou dans les autres pupitres de cordes. Tout orchestre professionnel possède un poste de violon super soliste, les grands orchestres en ont souvent deux. A Avignon je suis seule.
-Vous allez jouer vendredi en duo avec Henri Demarquette le double concerto de Brahms. C’est une œuvre que vous connaissez bien ?
-Oui, je l’ai jouée il y a juste dix ans avec Gary Hoffman.
-A la salle polyvalente de Montfavet ? J’ai souvenir d’un très beau concert et d’une interprétation magistrale.
-C’est une œuvre très équilibrée entre les deux parties solistes, un vrai duo avec une partie orchestrale riche, à la fois une référence au passé pour la forme concertante, et une écriture romantique épanouie, assumée. Complexe harmoniquement et techniquement, elle possède nombre de doubles cordes que même de grands interprètes comme Heifetz avaient « allégées », ce qui ne sera pas mon cas vendredi.
-Vous connaissiez déjà le violoncelliste Gary Hoffamn, avec qui vous aviez joué alors ?
-C’est le frère de ma meilleure amie Deborah, presque un grand frère pour moi, puisque la famille Hoffmann était ma « famille américaine » pendant que j’étais étudiante à la Juilliard School. C’était un bonheur de le retrouver.
-Et Henri Demarquette, avec qui vous jouerez vendredi, et régulièrement accueilli à Avignon, le connaissez-vous ?
-Il appartient à la nouvelle génération de violoncellistes français, la France étant depuis longtemps « la » nation du violoncelle avec notamment les Pierre Fournier, Maurice Gendron, André Navarra, Paul Tortelier, et bien d’autres à notre époque. Je n’ai jamais joué en duo avec lui, mais Henri est un magnifique violoncelliste, généreux ; interpréter avec lui ce double concerto de Brahms me réjouit par avance.
-Vous appartenez à diverses autres formations, dont le duo Alcor avec la harpiste Alienor Girard, le trio Séraphin, violon, harpe et l’alto de votre mari Fabrice Durand, le quatuor les Solistes d’Avignon, avec Sophie Saint-Blancat, Fabrice Durand et Emmanuel Lécureuil. Est-ce pour vous une nécessité, comme une respiration ?
-j’ai besoin de me retrouver hors de l’orchestre avec des amis musiciens. Dans l’orchestre, on ne choisit pas les compositeurs et les œuvres travaillés. La formation de chambre donne le privilège de choisir avec qui on veut travailler, des musiciens possédant le même rythme, en partageant et portant un projet choisi en commun. On se régale, car la musique de chambre est vraiment la quintessence de la musique. Cela ne retire rien à mon plaisir d’aborder le répertoire d’orchestre, toutes ces pratiques étant complémentaires.
-D’autant qu’elle permet de se produire dans des petits lieux, où le rapport avec le public est plus intimiste.
-Oui, la relation est alors tout autre, plus charnelle, la réaction du public étant presque palpable…
-Vous avez une belle et riche carrière. Quels domaines musicaux n’avez-vous pas encore explorés, que vous rêveriez d’aborder ?
-Avec ces formations hors orchestre, on est dans un monde un peu différent. On touche au répertoire américain, argentin, jazz, tango, moins « classique ». Cela nous permet d’évoluer. On se doit d’approcher d’autres genres. C’est un bonheur de les aborder entre nous, et de les faire partager au public. Je m’apprête à répondre aux sollicitations de compositeurs contemporains, à travers de beaux projets qui m’intéressent. Au début j’étais un peu réticente, parce que les instruments à cordes ne sont pas toujours faits pour certains effets spéciaux. Dans le contemporain, j’aime ce qui est assez mélodique, mais il est vrai qu’on apprend énormément avec la musique contemporaine.
-Un musicien est comparable, dit-on, à un sportif de haut niveau. Quelle est votre discipline, votre hygiène de vie ?
-Si on veut tenir tout un concerto en soliste, il faut en effet une hygiène de vie, mais surtout un état d’esprit. Il faut tendre vers la perfection. Le travail se fait surtout dans la tête en amont. Et un peu de sport pour s’entretenir.
-La position d’un violoniste est asymétrique, anti-anatomique. On entend beaucoup de musiciens affectés de diverses douleurs. Avez-vous votre kiné attitré pour corriger une posture ?
-J’ai rarement mal. J’ai adopté une position naturelle depuis que je suis toute petite. Il m’arrive évidemment d’avoir parfois mal au dos, mais rarement. Je fais très attention à ma tenue, car la pratique instrumentale est un vrai travail d’endurance, comparable à un marathon. C’est un exploit énorme qu’il faut gérer, comme un sportif de haut niveau. Cela suppose un travail intense, accompagné d’un travail mental. Si la concentration, le travail psychologique et corporel fonctionnent en synergie, alors c’est parfait.
-Vous avez adopté le violon dès vos premières années. Mais si vous n’aviez pas été violoniste, qu’auriez-vous aimé faire, ou être ?
-Alors là (rire) ! J’aime beaucoup m’occuper des gens âgés, et je me rends compte que j’ai toujours été portée vers eux dans ma vie de tous les jours. La mode également m’attire beaucoup, on me demande régulièrement conseil dans ce domaine. (Propos recueillis par G.ad. le 9 janvier 2017. Photo : Cedric Delestrade-ACM-Studios)