Un très bon cru, sans maillon faible
Festival d’Aix-en-Provence à l’Hôtel Maynier d’Oppède (mardi 9 juillet 2024)
Direction Musicale, Emmanuelle Haïm et Camille Delaforge, cheffe d’orchestre en résidence. Orchestre, Le Concert d’Astrée
Chanteuses et chanteurs de la résidence voix 2024 :
Sopranos : Susanne Burgess, Lilit Davtyan, Madison Nonoa ; Mezzo-sopranos : Marine Chagnon, Joanne Evans, Elmina Hasan ; Ténor : Ryan Capozzo, Jonghyun Park ; Baryton : Timothée Varon ; Baryton-basse : Maurel Endong
Programme Georg Friedrich Händel
C’est à un très beau concert que nous convient les artistes de la Résidence Voix de l’Académie 2024 du Festival d’Aix-en-Provence, soit dix chanteurs et chanteuses, ainsi que Camille Delaforge, cheffe d’orchestre en résidence. Si, au cours des éditions passées, on se souvient d’avoir entendu de jeunes chanteurs à la technique parfois perfectible, il faut reconnaître que pour cette édition, le niveau est clairement professionnel, sans la présence d’aucun maillon faible.
Le programme est exclusivement dédié à Händel, avec une majorité d’airs connus tirés de divers opéras, sans oublier quelques passages extraits d’oratorios, comme Solomon. Le concert s’ouvre sur un passage instrumental de ce dernier titre, où Le Concert d’Astrée fait preuve de répondant, sous la direction de Camille Delaforge, alors qu’Emmanuelle Haïm prendra le relais au pupitre pour à peu près la moitié de la soirée.
Place au chant ensuite avec Alcina (“Tornami a vagheggiar”) interprété par la soprano Lilit Davtyan, voix précise de ton et puissante, large pour les passages les plus aériens et virtuoses. Mais on apprécie ses variations et cadences dans les reprises da capo. La soprano britannique et américaine Susanne Burgess impressionne également par son chant d’ampleur en Cleopatra (Giulio Cesare : “Se pietà di me non senti”), mais avec toutefois de nombreses variations dans les reprises qui tournent par moments un peu à l’exercice, ainsi que, par ailleurs, certains aigus un peu trop vigoureux. Dans un air bien moins spectaculaire tiré de Aci, Galatea e Polifemo, la soprano néo-zélandaise Madison Nonoa fait entendre une voix délicate, élégiaque, conduite avec goût sur le souffle.
Du côté des mezzos, Elmina Hasan entame les débats avec l’air de Sesto “L’aura che spira” de Giulio Cesare, passage de fureur où elle déploie une forte projection et quelques aigus qui impressionnent. Sa consoeur Joanne Evans est celle qui possède le timbre le plus sombre, aux couleurs d’un contralto dans l’air de Tamerlano “A dispetto d’un volto ingrato”, parfois à la limite dans les passages vocalisés. Mais l’air le plus difficile est sans conteste “Dopo notte, atra e funesta” tiré d’Ariodante, où les très nombreuses et répétées vocalises sont gérées avec panache par Marine Chagnon, dotée d’un instrument particulièrement souple.
Concernant les hommes, les deux ténors Ryan Capozzo et Jonghyun Park font très bonne impression, avec des voix claires et d’une agréable articulation tout à fait destinées à Mozart et Händel. Dans les deux cas, la ligne vocale est conduite avec goût et élégance. Le baryton Timothée Varon, déjà en carrière comme à peu près tous les artistes ce soir, et qu’on avait pu entendre par exemple dans Rinaldo à l’Opéra Grand Avignon en novembre 2022, fait preuve d’enthousiasme dans ses attaques, moins confortable tout de même dans la partie la plus grave de son air d’Apollo e Dafne. Le baryton-basse Maurel Endong enfin, dans “Revenge, Timotheus cries” (Alexander’s Feast) se montre très autoritaire, surtout dans les deux sections de fureur qui encadrent sa partie lente centrale.
En conclusion, il faut à nouveau relever le niveau très élevé de ces Académiciens du Festival d’Aix-en-Provence, pour la plupart déjà bien lancés dans la carrière. Il serait d’ailleurs possible de monter dès à présent avec eux un opus de Händel dans un théâtre d’importance, à condition toutefois de se passer de contre-ténor, tessiture curieusement absente de ce cru 2024.
I.F. © Vincent Beaume
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