29e Festival International de Musique de chambre de Provence. Salon-de-Provence, Château de l’Empéri (04-08-2021)
Quatuor Mona
Éric Le Sage, piano
Emmanuel Pahud, flûte
François Meyer, hautbois
Paul Meyer, clarinette
Gilbert Audin, basson
Benoît de Barsony, cor
Albert Guinovart, piano
Daishin Kashimoto, violon
Claudio Bohórquez, violoncelle
Joaquín Riquelme García, alto
Olivier Thiery, contrebasse
Frank Braley, piano
Marina Viotti, mezzo-soprano
Programme. Albert Guinovart, Germaine Tailleferre, Amy Beach, Louis Spohr, Ottorino Respighi, Nino Rota
Comme l’indique le titre du programme « coruscant », le concert – qui réunit divers artistes autour des 3 fondateurs du festival – est tout à la fois « vif, brillant, insolite »… Une très belle soirée, riche et variée.
Le site internet du festival nous rappelle que « L’épithète (en fait, le participe présent, NDLR) coruscant vient du verbe latin coruscare, « étinceler », et signifie « vif, brillant, insolite », et il faut reconnaître, avec bonheur, que ce concert est tout cela à la fois ! Le programme de la soirée est en effet d’une telle richesse, variété et beauté qu’on en ressort heureux, les oreilles remplies de précieuses musiques.
On démarre avec un répertoire contemporain, Les Aventures de Monsieur Jules Verne du compositeur Albert Guinovart (né en 1962), qui tient également la partie de piano. Trois des six mouvements pour piano et quintette à vents ont été donnés lors de l’édition précédente. La musique évoque clairement les trois numéros successifs, avec d’abord une nette impression de voyage en bateau (plus précisément sous l’eau dans le cas présent !) pour Vingt mille lieues sous les mers, mené par la mélodie principale à la flûte jouée par Emmanuel Pahud. Ambiance plus américaine pour Nord contre Sud, puis atmosphère plus mystérieuse au début de Michel Strogoff avant quelques accents russes plus marqués et certaines cassures de rythmes d’une plus grande franchise.
Les quatre jeunes femmes du Quatuor Mona entrent ensuite en scène pour interpréter le quatuor à cordes de Germaine Tailleferre. La pièce présente de forts contrastes entre ses différents mouvements, le premier nous évoquant davantage un Debussy éventuellement mâtiné de Ravel, tandis que le troisième rattache la compositrice au groupe des Six auquel elle appartenait, en compagnie des plus modernes Honegger ou Poulenc. On apprécie en tout cas la qualité d’exécution du Quatuor Mona, les musiciennes semblant encore plus épanouies dans le Quintette en fa dièse mineur op. 67 qui suit, de la compositrice Amy Beach. Un équilibre subtil est ménagé entre le piano tenu par Éric Le Sage et l’ensemble des quatre cordes, aussi bien pour les moments doux que pour les séquences plus agitées. Les unissons de cordes en fin de premier mouvement sonnent joliment, tout comme les belles pages des soli du violoncelle au deuxième, ou encore au troisième les pizzicati avant une virtuosité plus rapide du piano et des cordes. La partition s’écoute en tout cas très agréablement, de la main d’une compositrice que nous n’avions personnellement, sauf erreur, jamais entendue précédemment… ce qui laisse beaucoup d’espoirs quant aux trésors musicaux encore à redécouvrir !
On gagne en émotion après le court entracte lorsque la mezzo-soprano Marina Viotti monte sur le podium pour interpréter les Deutsche Lieder opus 103 de Louis Spohr. L’accompagnement musical de Paul Meyer à la clarinette et Éric Le Sage au piano est léger mais très expressif, et permet de se concentrer sur le texte, dans un allemand très idiomatique. Ces six lieder allemands, composés dans cette orchestration originale pour deux instruments, installent tour à tour des atmosphères bien différentes, ici un dialogue avec un oiseau à la clarinette, là une douce berceuse, ou bien encore un relief plus dramatique par instants qui s’éclaircit ensuite par une gaieté plus sautillante. On passe ensuite clairement dans le drame au cours de Il Tramonto (Le coucher de soleil) d’Ottorino Respighi, en compagnie du Quatuor Mona. Les intonations musicales et vocales sont le plus souvent inquiétantes, pesantes, au cours de ces pages du compositeur d’école – au sens large – vériste, auteur de quelques opéras très rarement donnés, comme La Fiamma ou Marie Victoire. L’intrigue de cette cantate miniature tourne autour d’un couple : l’homme décide que, pour une fois dans sa vie, il verra le lever de soleil du lendemain, mais il meurt au cours de la nuit. La femme y survit tout de même mais sa tristesse est à faire pleurer les pierres. Marina Viotti véhicule toutes ces émotions dans un italien aussi excellent que le français, sa langue maternelle, timbre séduisant dès la première note, souffle long et technique de haut vol.
Le programme se termine avec une note plus joyeuse, en convoquant Nino Rota et son Nonette, exclusivement masculin cette fois, formé des quatre instruments à cordes, des quatre bois et d’un cor. Là encore, les mouvements sont bien différenciés en alternant entre climats joyeux, sombres, sautillants, dansants. On sait l’écriture de Rota souvent espiègle, voire piégeuse, pour ce qui concerne les changements de rythmes, mais les instrumentistes en présence font un sans-faute, dialoguant par moments avec esprit entre deux solistes. Cette musique sonne aussi dans nos oreilles de manière cinématographique, le compositeur ayant écrit de nombreuses musiques de films, de Fellini en particulier. Les cinq mouvements sont pleins de charme, le dernier en forme de course plutôt effrénée (automobile ? finale des Jeux Olympiques ?) qui conclut décidément avec une note positive cette très belle soirée.
F.J. Photo Jaël Travere, Empéri
Мария dit
Le concert final de SALON a toujours une saveur particulière. Teint de joie et de mélancolie. Une forme de plénitude, un sentiment d’achèvement. On ne voudrait plus que ça s’arrête.
Classique dit
Merci pour votre commentaire. Rendez-vous l’année prochaine ? Mais en attendant, de nombreuses belles opportunités dans la région.Cordialement