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La Scala-Povence, Scala 600, vendredi 21 octobre 2022, 20h, durée 1h20. Ouverture de la saison 1
Mise en scène, Muriel Mayette-Holtz. Décor et costumes, Rudy Sabounghi. Musique originale, Cyril Giroux. Avec : Bérénice, Carole Bouquet. Titus, Frédéric de Goldfiem. Antiochus, Jacky Ido. Paulin, Augustin Bouchacourt. Phénice, Eve Pereur.
Production théâtre national de Nice
Plus de 500 spectateurs participaient à la soirée d’ouverture de la première saison de la Scala Provence, le 21 octobre 2022, dans une ambiance quasi festivalière. Personne n’a boudé son plaisir, avec Racine au programme, et Carole Bouquet en tête d’affiche. Un rôle qui habite l’actrice depuis près de 20 ans, notamment dans cette production déjà bien rodée. Un décor dépouillé – lieu unique, comme l’indique Racine -, nu, simplement occupé dans un coin par un lit où se retrouveront les amants avant de se quitter définitivement, et dont les larges baies en fond de scène ouvrent sur un horizon hypothétique, puis se voilent de mousseline pour resserrer l’intensité douloureuse, et terminent la journée présumée dans le noir absolu de l’extérieur. Les lumières, en contrepoint, sculptent avec précision des atmosphères diverses, dans un camaïeu de couleurs sable/ camel/ ocre… Un continuo en sourdine, de divers instruments successifs, accompagne également les émotions et sentiments. La mise en scène se laisse oublier – suprême réussite – pour ciseler le prisme des sentiments.
Tenue de ville contemporaine pour les acteurs, qui rend parfois étranges les évocations historiques. Un décalage historique également pour les spectateurs du XVIIe siècle, qui cachait à peine le parallèle transparent avec l’histoire contemporaine, Louis XIV ayant dû lui-même renoncer à la jeune Marie Mancini au nom de la raison d’Etat.
Mais l’alexandrin coule avec une fluidité étonnante, et la situation, tout exceptionnelle qu’elle soit, résonne avec des accents d’authenticité intemporelle.
Augustin Bouchacourt et surtout Eve Pereur donnent aux deux confidents, Paulin et Phénice, un peu de présence. Frédéric de Goldfiem campe un Titus inégal, dans un rôle complexe, où l’égoïsme semble le disputer à la lâcheté, et à son contraire, le souci d’une exigence supérieure. Jacky Ido, habituellement acteur de cinéma, révèle une formidable aisance scénique et donne une vraie crédibilité au personnage d’Antiochus, déployant toute la riche palette d’un être attachant, sensible, victime pleine de noblesse d’un destin qui ne cesse de le bousculer. La voix de Carole Bouquet, elle, ne passe pas toujours la rampe dans les premières scènes, jusqu’à ce que les accès de douleur ne fassent éclater la vérité de son jeu et la sobre élégance d’une reine que les événements n’épargnent guère.
Si quelques spectateurs ont offert une ovation debout au quintette d’acteurs, la soirée a montré combien il est difficile de faire une pièce à partir de rien, comme le disait l’auteur… mais aussi combien le grand répertoire défie le temps.
G.ad.
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