Béatrice, fille d’Espagne
Béatrice Uria-Monzon, mezzo soprano ; Christophe Guiot, violon ; Jean Ferry, violoncelle ; Jean-Marc Bouget, piano ; de l’Opéra National de Paris.
Sol y sombra, création.
Georges Bizet (1838-1875), Carmen (extrait de l’Ouverture) ; Habanera
Enrique Granados (1867-1916), El tralala y el punteado – El majo timido – El majo discreto ; La maja y el rusinor (piano) ; La Maja dolorosa
Manuel de Falla (1876-1946), Chansons populaires : El pano moruno – Seguedilla murciana ; Asturiana (violoncelle) ; Jota ; Danse espagnole (violon – violoncelle)
Jesus Guridi (1886-1961), Laamale con el pañuelo – No quiero tus avellanas- Como quieres que advine
Georges Bizet, Chanson Bohème
Joaquin Turina (1882-1949), Trio n°2, en si mineur, opus 76 ; Poema en forma de canciones ; Nunca olvida – Cantares – Los dos miedos – Las locas por amor
Fernando Obradors (1897-1945), Tres morillas – Aquel sombrero – El vito ; Con amores la mi madre – Del cabello mas sutil – Coplas de curro dulce
Eduard Toldrà (1895-1961), Cuaderno (violon)
Ruperto Chapi (1851-1909), La Hija del Zebedeo
Francisco Asenjo Barbieri (1823-1894), El barberillo de Lavapies
En ouverture de saison lyrique à l’Opéra Grand Avignon, la robe flamboyante s’imposait pour la mezzo-soprano Béatrice Uria-Monzon (biographie ici ; entretien ici) dans Sol y Sombra, la toute nouvelle création dont elle a réservé la primeur à l’Opéra Grand Avignon, notamment en raison des liens qu’elle a tissés depuis longtemps avec le conseiller artistique Raymond Duffaut, et c’est d’ailleurs sa septième prestation depuis 1990 sur cette même scène. « Sol y sombra » – soleil et ombre, d’après une expression propre aux spectacles taurins – est un programme entièrement hispanique. Rien d’étonnant pour celle qui a chanté plus de quatre cents fois Carmen et qui a pour père un peintre célèbre, Antonio Uria-Monzon (1929-1996) amoureux de la musique et de la corrida.
Entourée de trois musiciens de l’Opéra National de Paris (Christophe Guiot, Jean Ferry, Jean-Marc Bouget, respectivement violon, violoncelle, piano), Béatrice Uria-Monzon a enchaîné pièces sombres et pages étincelantes, sans manquer de réenfiler le costume de Carmen qui l’a définitivement marquée.
Chatoyante couleur de voix, solide projection, pour la sémillante quinquagénaire, dans un répertoire qu’on dirait composé pour elle, et auquel l’alternance avec pièces instrumentales (solo, duo ou trio) donne toute sa chair.
Néanmoins ce récital « à l’ancienne », aux enchaînements muets – sans un mot d’explication -, aurait mérité plus de vigueur, plus de flamme et de sauvagerie. La qualité de l’interprétation, très policée, a paradoxalement gommé toutes les aspérités et conféré trop d’uniformité à une suite multiple d’œuvres qui s’étirent tout de même sur plus d’un siècle, entre les zarzuelas de Francisco Asenjo Barbieri, né en 1823, et Guridi et Toldra, disparus la même année, en 1961.
On aura apprécié diversement les trois instrumentistes, tous trois issus de l’Orchestre National de Paris ; le hasard nous les fera réentendre le lendemain dimanche 9 octobre 2016 dans l’enregistrement (2015) de la 9e Symphonie de Beethoven sous la baguette de Philippe Jordan, diffusé sur Arte, dans le cadre de l’émission Maestro. Excellent pianiste, souriant, fluide, Jean-Marc Bouget a déployé une palette variée ; le violoncelle de Jean Ferry a offert l‘écho de sa voix ample. Le violoniste Christophe Guiot, lui, est loin d’avoir fait l’unanimité, sans que sa qualité propre soit en jeu, comme il l’a prouvé avec maestria, avec ses deux collègues, dans l’éblouissant Trio n°2 de Turina ; mais son instrument offrait un son trop court, trop uniformément cristallin, sans profondeur. Ce qui n’a pas manqué de priver de relief l’ensemble du concert, un peu trop lisse et froid. (G.ad.) (Photos Michel Auberge)