Fille de deux comédiens, petite-fille d’artistes lyriques, Aurore Auteuil est elle-même comédienne, essentiellement sur les planches. En ce mois de juin 2019, elle participera au grand concert-spectacle des Saisons de la voix de Gordes, dans le cadre de la Nuit romantique des plus beaux villages de France. Rencontre avec une jeune actrice qui va partager la scène avec un piano, une soprano, un ténor, deux danseurs. Cette perspective fait tinter son rire juvénile.
-Aurore Auteuil, parlez-nous d’abord de cette actualité toute proche. Vous allez dire de très beaux textes, très originaux. Est-ce vous qui les avez choisis ?
-(rire) Absolument pas. Ils m’ont été imposés, mais comme ils sont magnifiques, je suis ravie de les défendre. Je suis surtout très heureuse de venir à Gordes, parce que les organisateurs de cette soirée étaient les patrons de mes grands-parents (chanteurs lyriques, NDLR), les parents de mon père.
-Vous parlez de Raymond Duffaut, actuellement président des Saisons de la voix de Gordes, entre autres, et autrefois directeur de l’opéra-théâtre d’Avignon, en même temps qu’il était directeur des Chorégies d’Orange ?
-Oui.
-Quant à vous, quel est votre rapport à la musique ? Est-ce par vos grands-parents que vous avez été bercée par la musique ?
–Mon père et mes grands-parents étaient toujours en train de chanter. Ma grand-mère m’a sensibilisée aux opérettes grâce à mon grand-père, qui y était chanteur. C’est drôle d’ailleurs que vous me posiez cette question…
-Classiqueenprovence est avant tout un site dédié à la musique, même si les différentes formes d’art se rejoignent.
-Mes grands-parents et mon père m’ont donné le goût d’écouter de la musique, mais je n’ai moi-même pas de voix. Mes enfants, eux, ont une voix magnifique. Manon, 10 ans, et son petit frère, 7 ans, ont été acceptés à la maîtrise des Hauts-de-Seine. Moi j’adore la musique mais je n’ai pas de voix ; mes enfants, eux, ont ce don ; c’est un cadeau qui saute les générations !
-Si vous ne chantez pas, votre voix est néanmoins votre outil professionnel ; le théâtre impose aussi une maîtrise de la voix, une mélodie, un phrasé…
-Sans doute, comme actrice cela ne me pose pas de problème, mais je n’ai pas assez confiance en moi pour chanter… Le théâtre, c’est un travail à 99% ; j’ai toujours baigné dans cette vie, j’ai toujours vu mon père jouer.
-Votre maman aussi était actrice…
-Elle n’exerce plus, au contraire de mon père.
-Serez-vous accompagnée de musique, lors du concert de Gordes ?
-(rire) On ne m’a rien dit (rire). Je commencerai à répéter jeudi prochain, en arrivant. J’ai reçu les textes, pour l’instant je les lis. Vous savez, je viens d’arrêter le Malade imaginaire le 25 mai (elle jouait pour la première fois aux côtés de son père, depuis janvier). Cela a été une expérience extraordinaire, mais il a fallu atterrir ! Je n’avais jamais autant travaillé de ma vie. Une expérience unique. Papa est de la vieille école, très exigeant. Il se donne entièrement. Moi aussi, comme lui, j’aime l’engagement. Cela nous a beaucoup coûté physiquement, mais cela nous a nourris à la même hauteur que cela nous a coûté dans la santé. Lessivés et vidés.
-Vous dites parfois que le théâtre est un monde où l’on prend des coups. Est-ce vraiment un monde violent ?
-Je suis très sensible. Malheureusement. Heureusement pour le travail, mais dans la vie c’est difficile à gérer. Le théâtre est un métier terrible, car il n’y a pas beaucoup d’élus. Terrible comme la vie elle-même.
-En fait, cette hypersensibilité, est-ce un atout ou un handicap ?
-Un atout dans le travail, un atout qui fait la différence, qui donne l’énergie, l’investissement. Dans la vie, c’est moins facile, mais heureusement nous avons la possibilité de l’exprimer à travers nos rôles.
-Pour vous aussi, le théâtre est une catharsis ?
-Il est salvateur, oui.
-Quelle est chez vous la qualité essentielle que vous devez à votre papa et à votre maman ?
-Justement cette hypersensibilité, que je dois à mon père et à ma grand-mère paternelle. A maman je dois beaucoup aussi, peut-être la maternité.
-Et les défauts que vous leur devez ?
-Cette hypersensibilité aussi, qui est un drôle de cadeau !
-Vous êtes née à Neuilly-sur-Seine, mais avez-vous avec Avignon et la région des attaches profondes ?
-(rire) Je n’ai pas vécu à Neuilly, j’y suis née, c’est tout. Toute mon enfance, j’ai vécu de très belles vacances avec mes grands-parents. Ma grand-mère m’emmenait au théâtre, pour entendre mon grand-père, rencontrer leurs copains et copines, les danseurs et les danseuses. Mon enfance, c’est aussi le manège sur la place du théâtre. J’ai encore à Avignon mes cousins ; cela représente pour moi l’enracinement, qui symbolise la vraie famille de sang.
-Et le festival d’Avignon ?
–J’écoutais mon père tous les soirs dans la Cour d’honneur, qui jouait Scapin ; je connaissais le texte par cœur. Je le rejoignais dans les coulisses.
-Il vous a même, je crois, un soir fait saluer avec lui ?
-Oui, et je lui faisais répéter ses textes. A Saint-Cloud, par exemple, sous un arbre je lui faisais répéter, et j’adorais ça. Encore aujourd’hui quelquefois je continue…
-Et vous-même avez-vous joué au festival ?
-J’ai joué Sahar et Jérémy, une pièce que j’avais écrite, au Chêne noir chez Gérard Gelas ; j’adore Gérard, qui est un vieux copain de mon père, du temps de la Paillasse aux seins nus. J’allais tracter avec mes enfants. J’adore le festival, l’ambiance, les gens, tout, cette ambiance de grosse colonie de vacances.
-Aura-t-on un jour l’occasion de vous y revoir ?
-Il faut pour cela que je me mette à écrire.
-Vous ne voulez pas dire les mots des autres ?
-Il faut écrire soi-même pour que les choses aillent vite, avant qu’on vous propose un rôle. La pièce précédente avait eu un certain succès, on avait fait salle pleine, et surtout j’avais eu de très belles critiques.
-Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce que vous m’avez dit ?
-Que je suis ravie de pouvoir venir dans la région, que je suis très fière d’avoir été appelée par les organisateurs. Je pense que ce sera une grande fête.
-Une toute dernière question : si vous n’aviez pas été ce que vous êtes, qu’auriez-vous aimé être ?
-(rire) Je suis heureuse d’être ce que je suis. (propos recueillis en juin 2019 par G.ad.)
Née le 28 mars 1981 à Neuilly-sur-Seine, Aurore Auteuil est la fille de Daniel Auteuil et d’Anne Jousset, tous deux comédiens. Comédienne dès son plus jeune âge, elle se partage entre théâtre (surtout), cinéma et télévision. Elle a été nominée en 2010 pour le Molière du jeune talent féminin, grâce au Vieux juif blonde.
Elle vient de partager (janvier-mai 2019) pour la première fois la scène avec son père dans un Malade imaginaire fort remarqué au Théâtre de Paris.
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