Opéra de Marseille, le 11 janvier 2020
Orchestre Philharmonique de Marseille. Clelia Cafiero, direction musicale et piano
Massenet, Scènes napolitaines. Mozart, Symphonie n°31 en ré majeur, dite « Paris » K. 297. Ravel, Concerto pour piano en sol majeur. Respighi, Les Pins de Rome
La distance n’est pas forcément énorme entre Naples et Rome, en suivant le programme de la soirée qui démarre avec les Scènes napolitaines de Massenet et se termine avec I Pini di Roma (Les Pins de Rome) de Respighi… mais en y ajoutant Mozart et Ravel, le voyage musical devient encore plus riche et opulent.
La grande triomphatrice de ce concert particulièrement ambitieux et relevé est Clelia Cafiero aux commandes d’un Orchestre Philharmonique de Marseille qui donne le meilleur de lui-même. La jeune Italienne, nommée à Marseille pour cette saison cheffe assistante et pianiste, avait déjà remplacé le directeur musical en titre Lawrence Foster, indisponible pour le Concert du Nouvel An le 4 janvier (deux représentations d’une heure environ, à 16h puis 20h), mais le programme du soir est à présent bien plus complet et exigeant.
Dès les premières mesures des Scènes napolitaines de Jules Massenet, on entend des musiciens en très bonne forme dans une joyeuse tarentelle rythmée au tambourin, une virtuosité et une légèreté bien assumées par les pupitres de bois. Les cloches de la deuxième partie qui enchaîne sonnent une ambiance plus recueillie, avant la troisième et dernière dans des rythmes et volumes affirmés, contrastés par quelques nuances bien senties, comme un piano subito bien mis en place par l’ensemble de la phalange.
La Symphonie n°31 de Mozart montre ensuite au public les capacités d’adaptation de l’orchestre à un tout autre style, un son d’une agréable rondeur, aux cordes en particulier. On détecte tout de même de tout petits et fugaces décalages aux cordes en fin du premier mouvement allegro assai, l’andantino suivant paraissant le plus réussi, mettant bien en exergue les petites espiègleries mélodiques mozartiennes, entre les longues phrases bien développées suivant un serein legato. L’allegro final demande davantage d’agilité, les violons 1 placés à gauche rivalisant de virtuosité avec les violons 2 de l’autre côté du pupitre de direction.
Le Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel qui est proposé après l’entracte nous paraît le summum de la soirée. Clelia Cafiero se place pour l’occasion au piano, face aux musiciens, jouant en soliste cette partition d’une extrême difficulté, tout en assurant la direction de l’ensemble. Un clap au fouet donne le départ soudain du premier mouvement « allegramente », puis la flûte, le piano, la trompette, mais surtout le piccolo détaillent de jolies phrases mélodiques, dans une ambiance musicale par moments très jazzy et proche d’un George Gershwin. En fin de premier mouvement, le piano exécute des trilles superbement maîtrisés à main droite, tandis que la gauche joue la mélodie, puis le début du suivant « adagio assai » donne la place au piano seul, une géniale musique lente, délicate, dans un silence presque recueilli de la salle. Les montées et descentes chromatiques, les petites notes perlées, sont bientôt rejointes par l’orchestre, dont le cor anglais bénéficie d’un long développement. Le presto final fait assaut de passages d’une folle virtuosité : cassures de rythme, départs à contretemps, difficiles pizzicati, etc, la partition est par moments tellement piégeuse que le cumul des deux fonctions de direction musicale et soliste piano en devient quasiment mission impossible !
La séquence finale fait place à un compositeur rare dans les programmations hexagonales, Ottorino Respighi avec son poème symphonique I Pini di Roma (Les Pins de Rome). Les quatre mouvements ont un fort pouvoir de suggestion en installant des paysages sonores bien différenciés. Aux « jeux d’enfants sous les résineux de la Villa Borghese » évoqués par le xylophone, les cuivres, succède une atmosphère plus inquiétante dans ses mélodies et orchestrations… la trompette en coulisse participant à l’évocation de « l’entrée d’une catacombe » ! Le troisième mouvement piano, avec ses chants d’oiseaux enregistrés dégage davantage de sérénité, avant la marche conclusive (« tempo di marcia ») montant en crescendo vers une apothéose finale sonnée par des cuivres étincelants aux accents wagnériens.
Ce brillant concert salué par les longs et très chaleureux applaudissements du public méritait sans aucun doute un bis, visiblement ni prévu, ni donné ce soir. (F.J.)
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