Allegro tangabile
Tango, musique et danse. Opéra Confluence (28 avril 2018). www.operagrandavignon.fr,
Luciana Mancini chant
Yvonne Hahn et Victor Hugo Villena bandonéons ; Yordani Torrès Maiani violon ; Eric Chalan contrebasse ; Cédalis Collin piano ; Rachel Faucon vibraphone
Géraldine Guidicelli et Julio Luque danseurs solistes
Ballet de l’Opéra Grand Avignon : Bérangère Cassiot, Virginie Coussière, Noémie Fernandes, Aurélie Garros, Béryl de Saint-Sauveur, Camille Mermet-Lyaudoz. Arnaud Bajolle, Anthony Beignard, Sylvain Bouvier, Joffray Gonzalez, Georges Prunier, Ari Soto, Alexis Traissac
Eric Belaud chorégraphie
Introduction. Astor PIAZZOLLA, Adios Nonino
Premier tableau, Astor PIAZZOLLA, Zum ; Tangata del Alba ; Poema Valseado. Eladia BLÁZQUEZ, Corazon mirando al Sur
Deuxième tableau, Osvaldo PUGLIESE, Negracha. Julian PLAZA, Payadora. Lucio DEMARE, Negra Maria. Astor PIAZZOLLA, Maria de Buenos Aires, Contramilonga a la Funerala. Alberto GINASTERA, Cancion del Arbol del Olvido
Troisième tableau, Carlos GARDEL, Volver, Duo de bandonéons. Emilio BALCARCE, La Bordona. Juan Carlos COBIÁN, Los Mareados
Quatrième tableau, Astor PIAZZOLLA, Fuga y Misterio ; Balada para Mi Muerte ; Allegro Tangábile
« Allegro tangabile », le titre du dernier morceau donne bien le ton et le tempo de la soirée : agréable, bien menée, même si les artistes n’ont pas mis le feu aux planches.
Tous les ingrédients du tango étaient présents, dans le jeu sauvage et élégant de la séduction et de l’émotion, du désir et du refus, de l’attente, de la conquête et de la soumission, de la sensualité torride et de la violence retenue. Sans oublier les jambes fuselées qui se croisent et se décroisent, se frôlent et s’évitent, les galbes parfaits, la chute de reins à la Mireille Darc, la cambrure sensuelle et les costumes scintillants… On s’enlace, on se repousse, on s’attire, on s’éloigne… mais sans l’incandescence magique de l’Argentine.
L’ensemble instrumental, un sextet formé pour l’occasion, a assuré un tempo soutenu et de belles sonorités, fédéré par l’énergie d’Yvonne Hahn, qui a su imposer en quelques années, au Conservatoire du Grand Avignon et sur les scènes de la région, un instrument rare.
A l’occasion de deux spectacles au Théâtre du Balcon à Avignon, en avril et mai 2017, elle m’avait annoncé, dans un raccourci facétieux, « C’est une Allemande qui, avec un Italien, veut promouvoir un instrument popularisé en Argentine ». « Le bandonénon, m’avait-elle expliqué alors, a failli disparaître, et les classes de bandonéon sont rarissimes. C’était, dans les années 1830-35, un instrument allemand, qui servait d’orgue portatif pour les paroisses et dans les fêtes populaires. Puis il a disparu d’Allemagne, et a été exporté en Argentine, où on l’a découvert grâce à Piazzola. Mais la facture en est restée aux années 1830, les usines viennent juste de rouvrir, on attend des améliorations, et il n’existe même pas encore d’instrument pour enfant ! Moi je viens du piano, et je me suis passionnée pour le bandonéon. J’ai ouvert en 2014 la 1e classe au Conservatoire d’Avignon, qui a été très vite emplie. On y vient de toute la région : un jeune vient de la Haute-Ardèche, un autre, de 9 ans, fait 3h de route pour venir de La Ciotat. J’ai été longtemps la seule bandonéoniste de la région. C’est donc une aventure extraordinaire par la rareté ». Une aventure qui se poursuit et qui s’élargit.
Ainsi, autour des deux excellents bandonéons, Yvonne Hann et l’Argentin Victor Hugo Villena son complice habituel, on a pu entendre Yordani Torrès Maiani au violon, Cédalis Collin au piano (un joli solo introductif), Rachel Faucon tonique au vibraphone, et Eric Chalan démultiplié à la contrebasse, frottée, pincée, heurtée, caressée…
Le Ballet de l’Opéra Grand Avignon, toujours excellent, a marié, au tango attendu, la griffe élégamment « classique » d’Eric Belaud, pour des tableaux chatoyants, entre noir et blanc, pastels poudrés (et-queues-de-cheval), rouges flamboyants, dans les costumes comme dans la tonalité.
C’est peut-être finalement le duo de solistes, Géraldine Giudicelli et Julio Luque, issus des plus grandes écoles de tango d’Argentine, qui, tout en offrant un numéro réussi, n’a pas mis le feu à la salle. Et la voix de la mezzo-soprano Luciana Manchi, par ailleurs soliste d’opéra, d’oratorio et de musique de chambre, ne m’a pas non plus donné le frisson attendu.
La soirée a surtout manqué de liant. Le riche foisonnement du tango et la multiplicité de sa palette se sont quelque peu éparpillés dans une succession de tableaux miroitants mais dans lequel l’imaginaire du spectateur n’avait pas le temps de s’installer et de savourer pleinement le talent de chaque intervenant… (G.ad.)