Parc du Château de Florans, La Roque d’Anthéron le 4 août 2020
Renaud Capuçon, violon ; Kit Armstrong, piano
Beethoven, Sonate pour violon et piano n°5 en fa majeur opus 24 « Le Printemps »
Beethoven, Sonate pour violon et piano n°7 en ut mineur opus 30 n°2
Beethoven, Sonate pour violon et piano n°9 en la majeur opus 47 « À Kreutzer »
Un magnifique duo, aux inflexions multiples et à la complicité avérée, Renaud Capuçon et Kit Amstrong, pour 3 Sonates violon-piano de Beethoven, en hommage au 250e anniversaire du compositeur
Ce n’est pas sans émotion que nous reprenons le chemin des salles de spectacles et de concerts. La « salle » est ce soir formée par les gradins du Parc du Château de Florans, un vaste espace extérieur qui a permis aux organisateurs de maintenir la 40e édition de la manifestation, se déroulant entre le 1er et le 21 août. Covid-19 oblige, les conditions d’accueil du public ont été repensées, en limitant la capacité de l’auditorium extérieur à 675 places au lieu du maximum de 2020 places, soit un spectateur tous les trois sièges. Toutes les places pour le concert du soir ont été vendues … et les présents sont encore bien plus nombreux si l’on compte les cigales qui y participent de leur chant !
Le programme se compose de trois sonates parmi les dix écrites pour violon et piano par Beethoven (1770–1827), dont la célébration cette année du 250e anniversaire de naissance a été fortement perturbée par la pandémie. On sent une entente et une complicité naturelles entre les deux solistes sur scène, et pour cause : d’une part ce n’est pas la première fois qu’ils jouent ensemble – nous avions entre autres déjà vu Renaud Capuçon et Kit Armstrong à La Roque il y a trois ans pour une interprétation de six sonates pour violon et piano de Mozart -. D’autre part, le concert du soir fait partie d’une série dédiée aux sonates de Beethoven que déroulent les artistes en France (Saint-Tropez le 3/08, Menton le 5/08, Lyon en septembre), puis en Allemagne (Berlin, Francfort).
La sonate n°5 dite « Le printemps » évoque rapidement son titre : après le premier mouvement allegro, le deuxième (adagio – molto espressivo) doux et poétique donne l’occasion aux instrumentistes de répéter à tour de rôle la même phrase musicale, comme un écho parmi la nature qui s’éveille. Le troisième mouvement (scherzo – allegro molto) est plus bondissant, puis le rondo final est encore plus gai, vif, printanier, les deux musiciens démontrant chacun leur virtuosité aguerrie. Malgré la première impression d’une acoustique plus favorable au piano, un équilibre harmonieux s’établit très vite entre le violon et le piano, les deux musiciens s’écoutent, jouent ensemble, ou échangent une phrase musicale.
La Sonate pour violon et piano n°7 en ut mineur sollicite encore davantage la virtuosité dans son premier mouvement allegro con brio, particulièrement celle du violon. La partition révèle aussi une épaisseur dramatique plus importante que dans la précédente, nous ne sommes plus exactement dans l’harmonie printanière lorsque Renaud Capuçon tape du pied par terre et que Kit Armstrong attaque le clavier avec force et franchise. Le deuxième mouvement (adagio cantabile) amène plus de douceur, une délicatesse de toucher du piano et une gamme très étendue de nuances au violon, entre légèreté et notes plus appuyées, y compris sur les quelques pizzicati. Après le scherzo plus agité, le piano dessine une ambiance plus sombre dans l’allegro du quatrième mouvement, par des accords plaqués dans les graves. Piano et violon gèrent idéalement les cassures de rythme, et délivrent beaucoup de brillant dans le final.
Le dernier opus, la Sonate pour violon et piano n°9 en la majeur opus 47 « À Kreutzer » dédiée au violoniste français Rodolphe Kreutzer, est plus roboratif, d’une durée de 40 minutes environ, soit à peu près l’équivalent du total des deux précédentes sonates. L’adagio sostenuto commence au très beau violon seul, repris par le piano, puis s’accélère nettement en presto, avec quelques traits d’agilité répétés et extrêmement rapides au violon. Succède le deuxième mouvement (andante con variazioni), d’abord plus apaisé et poétique, puis davantage entraînant et rythmé. Le Presto final redouble d’exigences virtuoses, par séquences à la limite de ce qu’on peut attendre d’un violoniste, à la fois en termes d’abattage et de durée, mais Renaud Capuçon tient le cap.
Les deux artistes accordent un bis, le deuxième mouvement (adagio espressivo) de la sonate n°10 pour violon et piano, un morceau apaisant après le déchaînement final de la n°9 précédente. Avant de jouer, Renaud Capuçon communique au public que ce bis est dédié à René Martin, le programmateur du festival qui a réussi le tour de force de maintenir la manifestation en cette période extrêmement perturbée par le virus… on l’en remercie ! (F.J. Photos Christophe Grémiot)
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