Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence, jeudi 23 novembre 2023
Ensemble Café Zimmermann ; Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor
Antonio Vivaldi : Airs, concertos, sonates…
En résidence au Grand Théâtre et au Théâtre du Jeu de Paume depuis douze années à présent, l’ensemble baroque Café Zimmermann – qui porte le nom d’un établissement de Leipzig, célèbre au XVIIIe siècle – se produit dans un programme dédié à Antonio Vivaldi, l’un des compositeurs qu’il joue le plus régulièrement. Pour l’occasion, le contre-ténor français Paul-Antoine Bénos-Djian est invité pour interpréter plusieurs airs, formant ainsi une soirée bien équilibrée entre chant et musique purement instrumentale.
Les premières mesures de la « Sinfonia » tirée de l’opéra Bajazet (ou Il Tamerlano) accordent un petit temps de réglage aux dix instrumentistes présents, ainsi certainement qu’une adaptation pour l’oreille de l’auditeur, afin de trouver la juste intonation de la musique, en particulier pour les violons et cors un peu capricieux au cours d’un premier mouvement très rapide. Le deuxième mouvement lent est quant à lui très séduisant ; on peut y apprécier le son rond de la formation baroque qui sert une architecture musicale élégante, soutenue en ligne de fond par les discrets mais très solides clavecin de Céline Frish et luth de Shizuko Noiri. A l’issue du morceau, le premier violon Pablo Valetti indique au public, avec un humour calme et pince-sans-rire, que l’ensemble vient également de jouer la « Gavotta » inscrite au programme par la suite, mais intercalée pour l’occasion entre les deuxième et troisième mouvements.
On retrouve ensuite les mêmes qualités et fugaces défauts de l’ensemble, à savoir une musique harmonieuse et bien équilibrée, mais à l’intonation par instants qui perd de sa perfection dans les passages les plus virtuoses… en sachant que Vivaldi en a écrits de redoutables ! Cela est vrai pour les traits de virtuosité les plus véloces du Concerto pour violon en ré mineur, alors que le Concerto pour trois violons en fa majeur un peu plus tard est plus maîtrisé, en appréciant à nouveau un deuxième mouvement lent enchanteur, ou les pizzicati du deuxième violon répondent à la mélodie conduite par le troisième. Le Concerto pour deux cors en fa majeur est aussi un parcours musical semé d’embuches techniques, mais les deux cornistes Alexandre Zanetta et Félix Polet s’en sortent avec les honneurs. Il faut d’ailleurs noter que ces cors baroques, ou cors de chasse, ne comportent pas de pistons et sont en quelque sorte des instruments qui se chantent, en modulant les notes avec la bouche.
Bénéficiant d’un très bel accompagnement musical, Paul-Antoine Bénos-Djian intervient entre les morceaux instrumentaux, en symbiose avec l’ensemble. Nous avions apprécié le contre-ténor dans ce même théâtre lorsqu’il tenait le rôle d’Ottone dans L’incoronazione di Poppea de Monteverdi, lors de l’édition 2022 du Festival d’Aix-en-Provence et ses qualités sont intactes à ce jour : musicalité précise, un registre grave confortable, agilité fluide pour les passages vocalisés et une partie aiguë bien exprimée, et une puissance qui convient idéalement au volume du théâtre du Jeu de Paume. Le motet en latin Longe mala, umbrae terrores est l’occasion de puiser dans la partie inférieure de sa tessiture, où l’interprète peut d’ailleurs passer, sans rupture, entre voix de tête et voix de poitrine. « Mi vuoi tradir », air extrait de La Verità in Cimento, fait preuve d’un bel abattage et d’une appréciable inspiration dans la cadence finale, tandis que le plus doloriste « Piangerò, sin che l’onda », tiré de l’Orlando Furioso développe une ligne davantage élégiaque. L’air da capo « S’impugni la spada », extrait de Motezuma, termine le programme par ses traits d’agilité renouvelés, comme des enfilades de vocalises à exécuter.
Après un nouvel air de fureur accordé à l’issue du programme, on change de compositeur pour le dernier bis. Il s’agit ici de Händel et du grand air de Giulio Cesare « Va tacito e nacosto » dans l’opéra éponyme. Le cor solo est tenu par Alexandre Zanetta qui fait alors preuve d’une rare musicalité, en dialogue avec le chanteur. Les deux interprètes rivalisent d’agilité dans cet air long et plutôt lent, ajoutant même quelques variations dans les reprises, pour le plus grand bonheur de l’auditoire… assurément le sommet de la soirée.
F.J. Photos I.F.
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