Opéra de Marseille, vendredi 23 février 2024
Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille ; Lawrence Foster, direction ; Daniel Lozakovich, violon
Johannes Brahms, Ouverture tragique en ré mineur, op. 81. Max Bruch, Concerto pour violon n° 1 en sol mineur, op. 26. Krzysztof Penderecki, Symphonie n° 4
Précédent directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, avant Michele Spotti en poste actuellement, le chef Lawrence Foster tient à saluer et remercier une musicienne et un musicien de la formation pour leurs services rendus au cours de ces dernières décennies, avant leur départ en retraite imminent. Puis le concert commence avec L’Ouverture tragique de Brahms, qui nous fait plonger immédiatement au cœur du répertoire romantique allemand, illustré en particulier par les mélodies prises en unisson par les premiers violons. Le son est profond, brillants aux cuivres, mais sans excès pour maintenir l’équilibre entre tous les pupitres. Les séquences successives de cette pièce sont bien contrastées en termes de tempi et nuances, et ne sonnent d’ailleurs pas toutes de manière tragique, même si c’est bien vers ce sentiment qu’évolue la dernière partie de la partition.
Mais l’évènement sur la scène phocéenne tient aussi ce soir à la venue du violoniste surdoué Daniel Lozakovich, âgé actuellement de 22 ans et absolument au sommet de son art. Les spectateurs marseillais ont l’immense chance de l’entendre dans le Concerto pour violon n° 1 de Max Bruch, œuvre dans laquelle le soliste joue à peu près en permanence, sans grandes plages de repos. Dès les premières mesures, le jeune violoniste fait littéralement chanter son instrument, dégageant une poésie, voire du sentiment, par le biais du vibrato justement dosé à main gauche. On est impressionné par la constante sûreté d’intonation, ainsi que par la variété des nuances, entre fougue sur plusieurs attaques et d’infimes notes pianissimo pendant lesquelles l’orchestre sait se faire discret. Le dernier mouvement en allegro energico se fait sautillant comme il se doit, la rapidité d’exécution et la virtuosité n’étant jamais mises en défaut. Daniel Lozakovich accorde ensuite deux bis, d’abord une fantaisie autour de la chanson d’Yves Montand Les Feuilles mortes, puis une pièce plus technique et rapide pour terminer, inconnue de nos oreilles, mais dont les dissonances en première partie nous évoquent la seconde Ecole de Vienne, en pensant à Arnold Schönberg par exemple.
Après l’entracte, nous nous rapprochons de notre époque avec la Symphonie n°4 de Krzysztof Penderecki, créée en 1989. Cette grande fresque orchestrale est plutôt facile d’écoute, bien plus en tout cas que nombre de compositions précédentes de Penderecki, davantage avant-gardistes, comme son opéra le plus connu Die Teufel von Loudun créé en 1969… et dont la première française avait d’ailleurs eu lieu, en traduction française, à l’Opéra de Marseille en 1972. Mais ce soir, cette symphonie n°4 donne l’occasion de passer en revue les différents pupitres marseillais, tous d’excellente tenue. La partition semble évoluer entre plusieurs montées vers des climax et redescentes plus calmes, avec des cuivres particulièrement sollicités, dont trois sont placés dans la loge d’avant-scène à jardin et produisent de stimulants effets de spatialisation. Plusieurs thèmes lancinants reviennent, le plus souvent inquiétants, menaçants, tandis que le mystère plane le plus souvent dans cette œuvre qui intéresse l’oreille sans faiblir. Une très belle exécution au bilan, qui montre la robustesse de la phalange marseillaise, en prise ce soir à cet opus qu’on ne place pas, a priori, au cœur de son ADN musical.
F.J. © I.F.
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