Festival Musiques interdites, Opéra de Marseille (1er décembre 2021)
Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille, Clelia Cafiero, direction
Qiulin Zhang, contralto ; Christophe Berry, ténor
Gustav Mahler : Das Lied von der Erde (Le Chant de la Terre)
Dans le cadre de la 16ème édition du Festival Musiques interdites, Das Lied von der Erde est donné en version originale allemande, en présence de Marina Mahler, petite-fille de Gustav et Alma Mahler.
Pour l’occasion, c’est Clelia Cafiero qui est placée au pupitre, elle qui a été cheffe assistante à Marseille pendant les deux saisons passées, et qui retrouve avec joie ses anciens collègues. L’orchestre se montre à la hauteur des splendeurs musicales contenues dans la géniale partition de Mahler, faisant preuve d’une attention soutenue, de cohésion d’ensemble et de précision rythmique. Suivant les six numéros de cette « symphonie pour ténor, alto et grand orchestre », la phalange sait se montrer légère, voir guillerette dans les passages aux accents orientaux, la pièce ayant été composée d’après La Flûte chinoise de Hans Bethge. Mais la cheffe parvient également à donner une ampleur certaine, un grand souffle, aux séquences les plus pesantes.
Les deux solistes ténor et contralto alternent au cours des numéros, Christophe Berry ayant la primeur des interventions dans le premier Lied « La Chanson à boire de la douleur de la Terre ». Les aigus projettent vigoureusement, mais on détecte d’emblée un manque de fermeté dans le médium. Les problèmes deviennent de plus en plus évidents dans les Lieder suivants « De la jeunesse » et « L’Ivrogne au printemps », où le ténor continue de délivrer de vaillants aigus, parmi des notes bien plus approximatives.
La contralto Qiulin Zhang montre des ressources davantage robustes aux cours de ses deux premiers Lieder, une profondeur de timbre impressionnante et un registre aigu qui s’épanouit aussi sereinement. On sait l’importance du dernier Lied « L’Adieu », d’une durée à lui seul sensiblement égale à celle de l’ensemble des cinq précédents. La qualité de l’interprétation prend encore davantage d’importance dans ces sombres ambiances qui rappellent immanquablement les Kindertotenlieder. La musique confère au sublime à plusieurs moments et la contralto fait passer une émotion qui culmine à la conclusion, où le mot « ewig » (éternellement) est répété sept fois.
Le concert est agrémenté de projections vidéo en fond de plateau réalisées par Naomie Kremer. Il s’agit plutôt de tableaux plus ou moins figuratifs, qui s’animent au cours des numéros. Ce sont ainsi successivement un paysage d’arbres, des herbes sur l’eau ou encore des feuillages qui commencent à bouger, se déformer, parfois en des images tirant vers un kaléidoscope psychédélique. L’illustration de L’Adieu est plus abstraite, en présentant des formes qui se tordent, un peu comme dans certains tableaux d’Edvard Munch, bien en lien avec la suprême mélancolie du morceau.
F.J. Photos I.F.
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